jeudi 30 décembre 2010

Les Enjeux Militaires de la France au Moyen-Orient

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Le "Courrier d'Algérie " quotidien de langue française a  publié un entretien avec Monsieur Yves Bonnet, Préfet honoraire et ancien directeur de la DST qu'il nous parait intéressant de reproduire sur notre blog du fait qu'il situe précisément les enjeux du nouveau déploiement français dans le secteur névralgique du Golfe arabique (ou Golfe persique) et au Moyen-Orient.

Voici les questions posées par le journaliste Meriem ABDOU :

1- le président français Nicolas Sarkozy a inauguré mardi 26 mai la nouvelle base militaire permanente française, à Abu Dhabi. Un an et demi après l’annonce de la création de ce « camp de la paix »,le 15 janvier 2008, le président français a officiellement coupé le ruban, en présence du vice-Premier ministre et ministre de l'intérieur des Émirats, cheikh Seïf ben Zayed al-Nahyane.Par quoi expliquer se déploiement de l'armée française au Moyen-Orient ?

2- À cette occasion, les deux pays (la France et les Emirats) en ont profité pour renouveler leur accord de défense datant de 1995. Selon Nicolas Sarkozy, le nouveau document prévoit que :« nous décidions en commun des réponses spécifiques et adaptées, y compris militaires, lorsque la sécurité, la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance des Émirats sont affectées ».Ce serait une allusion faites à L’Iran.

3- La base en question est à quelques encablures des cotes iraniennes, il s’agit non seulement de la première base militaire française dans le Golfe, mais aussi de la seule à l’étranger en dehors de l’Afrique. Cette base fait face au détroit d’Ormuz par où transitent 40% du pétrole mondial,d’où son intérêt stratégique. Le choix du lieu serait fortuit selon vous ?

4- Cette annonce (inauguration de la base) survient au moment où les Etats-Unis font monter la pression militaire et où la France renforce sa présence en Afghanistan,à la demande des Américains. N. Sarkozy ne serait il pas en train d’amorcer un changement de politique de la France au Moyen- Orient.

Voici les réponses d'Yves Bonnet :

Sur le redéploiement des forces françaises , il faut noter la continuité de la politique française vis à vis des EAU auxquels nous lie une tradition de coopération en matière militaire , d'abord par la fourniture d'armements puis par l'échange de renseignements enfin par des exercices militaires . Le gouvernement français évalue sans doute que la menace d'un embrasement de la péninsule arabique augmente avec la recherche par l'Iran d'un accès au nucléaire militaire et la montée de la tension entre la théocratie et Israël. Ce raidissement n'est cependant pas en conformité avec les concessions faites au régime des mollahs sur le sujet de la résistance iranienne avec le refus de Paris de retirer l'OMPI de la liste des organisations terroristes comme l'a fait l'Union Européenne .De même, Paris n'a pas réagi aux initiatives du président Comorien Sambi, grand ami du président Ahmadinejad, qui a fait proroger son mandat au mépris de la constitution(modifiée pour les besoins de la cause),lesquelles initiatives installent l'Iran sur le canal du Mozambique .

Sur la coopération franco-émiratie, il faut noter qu'elle est en tous points comparable sinon semblable aux accords qui régissent les relations franco-africaines. Ce genre d'engagements est lourd de risques dans la mesure où il installe une véritable automaticité entre la menace pesant sur un partenaire, en l'occurrence les EAU et l'intervention de l'allié, soit la France. Les EAU ont longtemps fait de cet engagement la condition de leurs commandes et ils se rassurent de la présence française comme l'Arabie Saoudite le fait de celle des Etats - Unis, les Français devant se faire plus discrets que leurs alliés d'Outre-atlantique. Tous les domaines sont couverts par l'accord jusqu'à la sécurité qui inclut évidemment la lutte contre le terrorisme. Il faut que les autorités mesurent bien ce fait que la présence du ministre de l'intérieur émirati symbolise au même titre que celle de M. Sarkozy.
Pour ce qui concerne une éventuelle réorientation de la diplomatie française, il serait aventureux de la nier. En effet, la France s’applique, depuis l'arrivée de M. Sarkozy au pouvoir, à saisir chaque occasion de se démarquer de la ligne précédente, davantage dans la tradition du Quai d’Orsay, distante des positions américaines, et dont M. Dominique de Villepin était l’archétype. Au passage, peut-être faut- il rechercher dans cette différence l'explication de l'incohérence que reflètent l'accord avec les EAU et les bonnes manières concédées aux mollahs au sujet de la résistance iranienne. Pour en revenir à la nouvelle donne présidentielle française , inspirée par l'homme fort de l'Elysée , le préfet Claude Guéant , il est manifeste qu'elle est plus proche des positions américaines tout en ménageant des ouvertures nouvelles vers des partenaires ignorés par M.Chirac ,la Libye par exemple. Sans doute, le souci de M.Sarkozy de rompre avec la politique de son prédécesseur se fortifie-il de la chance que représente l'élection de M.Obama à la présidence des USA. Mais il ne peut pas ne pas refléter la volonté de son initiateur de jouer un rôle plus marqué sur la scène internationale. Comme tous ses prédécesseurs, le président français s'est vite lassé des contingences de la politique "domestique" et comme il a la possibilité de s'en décharger sur son premier ministre, il le fait et se consacre à sa responsabilité de "chef de le diplomatie», plus gratifiante en ce qu'elle le fait passer dans l’Histoire. Il semble bien que M.Bouteflica n'échappe pas, lui non plus, à cette règle .Le général De Gaulle l'avait pressenti en s'octroyant la conduite de la politique extérieure dans la constitution de1958.
source : site du CIRET-AVT

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