jeudi 30 décembre 2010

Les Enjeux Militaires de la France au Moyen-Orient

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Le "Courrier d'Algérie " quotidien de langue française a  publié un entretien avec Monsieur Yves Bonnet, Préfet honoraire et ancien directeur de la DST qu'il nous parait intéressant de reproduire sur notre blog du fait qu'il situe précisément les enjeux du nouveau déploiement français dans le secteur névralgique du Golfe arabique (ou Golfe persique) et au Moyen-Orient.

Voici les questions posées par le journaliste Meriem ABDOU :

1- le président français Nicolas Sarkozy a inauguré mardi 26 mai la nouvelle base militaire permanente française, à Abu Dhabi. Un an et demi après l’annonce de la création de ce « camp de la paix »,le 15 janvier 2008, le président français a officiellement coupé le ruban, en présence du vice-Premier ministre et ministre de l'intérieur des Émirats, cheikh Seïf ben Zayed al-Nahyane.Par quoi expliquer se déploiement de l'armée française au Moyen-Orient ?

2- À cette occasion, les deux pays (la France et les Emirats) en ont profité pour renouveler leur accord de défense datant de 1995. Selon Nicolas Sarkozy, le nouveau document prévoit que :« nous décidions en commun des réponses spécifiques et adaptées, y compris militaires, lorsque la sécurité, la souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance des Émirats sont affectées ».Ce serait une allusion faites à L’Iran.

3- La base en question est à quelques encablures des cotes iraniennes, il s’agit non seulement de la première base militaire française dans le Golfe, mais aussi de la seule à l’étranger en dehors de l’Afrique. Cette base fait face au détroit d’Ormuz par où transitent 40% du pétrole mondial,d’où son intérêt stratégique. Le choix du lieu serait fortuit selon vous ?

4- Cette annonce (inauguration de la base) survient au moment où les Etats-Unis font monter la pression militaire et où la France renforce sa présence en Afghanistan,à la demande des Américains. N. Sarkozy ne serait il pas en train d’amorcer un changement de politique de la France au Moyen- Orient.

Voici les réponses d'Yves Bonnet :

Sur le redéploiement des forces françaises , il faut noter la continuité de la politique française vis à vis des EAU auxquels nous lie une tradition de coopération en matière militaire , d'abord par la fourniture d'armements puis par l'échange de renseignements enfin par des exercices militaires . Le gouvernement français évalue sans doute que la menace d'un embrasement de la péninsule arabique augmente avec la recherche par l'Iran d'un accès au nucléaire militaire et la montée de la tension entre la théocratie et Israël. Ce raidissement n'est cependant pas en conformité avec les concessions faites au régime des mollahs sur le sujet de la résistance iranienne avec le refus de Paris de retirer l'OMPI de la liste des organisations terroristes comme l'a fait l'Union Européenne .De même, Paris n'a pas réagi aux initiatives du président Comorien Sambi, grand ami du président Ahmadinejad, qui a fait proroger son mandat au mépris de la constitution(modifiée pour les besoins de la cause),lesquelles initiatives installent l'Iran sur le canal du Mozambique .

Sur la coopération franco-émiratie, il faut noter qu'elle est en tous points comparable sinon semblable aux accords qui régissent les relations franco-africaines. Ce genre d'engagements est lourd de risques dans la mesure où il installe une véritable automaticité entre la menace pesant sur un partenaire, en l'occurrence les EAU et l'intervention de l'allié, soit la France. Les EAU ont longtemps fait de cet engagement la condition de leurs commandes et ils se rassurent de la présence française comme l'Arabie Saoudite le fait de celle des Etats - Unis, les Français devant se faire plus discrets que leurs alliés d'Outre-atlantique. Tous les domaines sont couverts par l'accord jusqu'à la sécurité qui inclut évidemment la lutte contre le terrorisme. Il faut que les autorités mesurent bien ce fait que la présence du ministre de l'intérieur émirati symbolise au même titre que celle de M. Sarkozy.
Pour ce qui concerne une éventuelle réorientation de la diplomatie française, il serait aventureux de la nier. En effet, la France s’applique, depuis l'arrivée de M. Sarkozy au pouvoir, à saisir chaque occasion de se démarquer de la ligne précédente, davantage dans la tradition du Quai d’Orsay, distante des positions américaines, et dont M. Dominique de Villepin était l’archétype. Au passage, peut-être faut- il rechercher dans cette différence l'explication de l'incohérence que reflètent l'accord avec les EAU et les bonnes manières concédées aux mollahs au sujet de la résistance iranienne. Pour en revenir à la nouvelle donne présidentielle française , inspirée par l'homme fort de l'Elysée , le préfet Claude Guéant , il est manifeste qu'elle est plus proche des positions américaines tout en ménageant des ouvertures nouvelles vers des partenaires ignorés par M.Chirac ,la Libye par exemple. Sans doute, le souci de M.Sarkozy de rompre avec la politique de son prédécesseur se fortifie-il de la chance que représente l'élection de M.Obama à la présidence des USA. Mais il ne peut pas ne pas refléter la volonté de son initiateur de jouer un rôle plus marqué sur la scène internationale. Comme tous ses prédécesseurs, le président français s'est vite lassé des contingences de la politique "domestique" et comme il a la possibilité de s'en décharger sur son premier ministre, il le fait et se consacre à sa responsabilité de "chef de le diplomatie», plus gratifiante en ce qu'elle le fait passer dans l’Histoire. Il semble bien que M.Bouteflica n'échappe pas, lui non plus, à cette règle .Le général De Gaulle l'avait pressenti en s'octroyant la conduite de la politique extérieure dans la constitution de1958.
source : site du CIRET-AVT

lundi 27 décembre 2010

Liban : Rapports à propos du Tribunal Spécial pour le Liban ( TSL)

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Deux rapports publiés ce mois-ci à propos du Tribunal spécial pour le Liban (TSL, chargé de l'enquête sur l'attentat contre l'ancien Premier ministre Rafic Hariri) méritent qu'on s'y arrête. Le premier a été réalisé par l'International Crisis Group, sous la direction de Peter Harling, son responsable régional pour la région.
C'est peut-être parce que ce dernier s'est établi à Damas que son rapport ressemble aux communiqués de presse syriens. Car en substance, il préconise de s'incliner devant les menaces du Hezbollah, et de sacrifier la justice au nom de la stabilité du pays du Cèdre. Ce rapport est imprégné d'un confessionnalisme vindicatif
inacceptable.
Ainsi, on peut lire à propos des menaces du Hezbollah de déstabiliser le pays si certains de ses membres devaient être accusés : "Ayant menacé de provoquer un drame, le mouvement chiite ne peut pas ne rien faire." Ou encore que le Premier ministre actuel Saad Hariri "qui a pris la tête de la communauté sunnite payera un lourd tribut s'il devait se désintéresser de l'assassinat de celui qui ne fut pas seulement son père, mais également un grand leader de sa communauté". Et à propos de la majorité parlementaire, il parle de la "prétendue majorité", reprenant ainsi le langage utilisé par le Hezbollah et par les autres pôles de l'opposition. Par ailleurs, ce rapport déforme la réalité et falsifie l'histoire en présentant comme un ordinaire défilé de rue les événements du 7 mai 2008, quand le Hezbollah a pointé ses armes sur ses concitoyens afin d'établir sa domination militaire sur Beyrouth.
Enfin, il devance les conclusions du Tribunal et s'attend à de futurs arrangements qui ne seront "ni très propres, ni très jolis", et avance les scénarios suivant : après la publication des actes d'accusation (incriminant des éléments du Hezbollah), le Liban demandera au Conseil de sécurité de mettre un terme à l'activité du
Tribunal. Ou bien il mettra des conditions à la poursuite de sa collaboration avec le Tribunal, comme par exemple l'abandon de procès par contumace. Ou bien encore, le Liban continuera de travailler avec le Tribunal tout en exprimant de "sérieuses réserves" quand aux bases sur lesquelles il a fondé ses conclusions. Le rapport justifie ces préconisations en disant qu'il ne faut pas que "le principal perdant soit le peuple libanais".
C'est là qu'il faut s'intéresser au second rapport, qui émane quant à lui de l'Institut international de la paix [The International Peace Institute, IPI]. Il s'agit d'une série de sondages d'où il ressort que les trois cinquièmes du peuple libanais soutiennent le Tribunal spécial et que soixante pour cent souhaitent aller
de l'avant dans le sens de la Justice, quel qu'en soit le prix. Mieux, quarante pour cent des chiites libanais sont en faveur des efforts de justice.
D'autre part, on apprend que les critiques envers le Hezbollah et le soutien au Tribunal s'accompagnent d'une déception vis-à-vis du gouvernement dirigé par le Premier ministre Saad Hariri. Bien que soixante-trois pour cent l'apprécient en tant que personne, trente-six pour cent seulement estiment qu'il remplit correctement ses
fonctions. Si de nouvelles élections devaient se tenir aujourd'hui, sa coalition des Forces du 14 mars n'obtiendrait que vingt-neuf pour cent des voix.
Il en ressort que les Libanais n'attendent pas du gouvernement du Premier ministre Saad Hariri de conclure un quelconque arrangement avec les Nations unies pour faire avorter le travail du TSL. Car il faut se rappeler que depuis la mort de Rafic Hariri et des vingt-deux autres personnes tuées dans l'attentat commis en février
2005, trente-quatre autres assassinats politiques ont été commis au Liban.

jeudi 16 décembre 2010

LIBAN : « IL FAUT SAUVER LE SOLDAT HASSAN NASRALLAH » pour trouver une solution finale au problème entre les libanais.

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LIBAN : « IL FAUT SAUVER LE SOLDAT HASSAN NASRALLAH » pour trouver une solution finale au problème entre les libanais.

Affaiblir le Hezbollah en accusant à tord ou à raison son implication dans l’assassinat du Président Rafic HARIRI équivaut d’une façon ou d’une autre à affaiblir la résistance face à l’État Israélien, qui fait fi à toutes les résolutions de l’ONU et qui continue à occuper des territoires libanais, de violer quotidiennement son espace aérien, de placer des espions, d’avoir des écoutes téléphoniques etc..

Il faut donc établir une feuille de route qui définit par ordre de priorité les étapes suivantes :

1) Demander le retard de la publication de l’acte d’accusation du TSL

2) Réclamer le départ des israéliens des territoires encore occupés ainsi que toutes autres formes d’agression (espace aérien, écoutes téléphoniques…).

Ce forcing doit venir de la part des libanais « AMIS » des puissances qui peuvent amener les Israéliens afin qu’ils répondent à ces exigences (Américains et Européens).

On se demande qu’ont-ils fait ces « Amis » libanais des Etats-Unis pendant tout ce temps ?

3) Dés lors que ces objectifs seront atteints, le territoire étant libéré de toutes agressions des Israéliens, les libanais pourront sereinement connaître les conclusions du TSL.

S’il s’avère que certains membres de Hezbollah sont les responsables de l’assassinat du Président Hariri, il faut que ce dernier (le Hezbollah) ait le courage de se dissocier de ceux-ci (voir l’article ci-dessous de Samir Frangié paru le 15/10/2010 dans l’Orient-leJour).

4) Le dialogue national se penchera alors sur les problèmes cruciaux internes et dont la solution sera l’instauration définitive d’un État libre, souverain et démocratique. Parmi ces solutions on peut préconiser :l’intégration de la résistance dans l’armée libanaise en formant des unités communes à la frontière avec Israël, l’ hospitalisation et médicamentation gratuites pour tous , des écoles publiques de haut niveau,l’ enseignement obligatoire pour tous jusqu’au baccalauréat , l’établissement du mariage civil, la laïcité de l’État ( chaque communauté étant libre de pratiquer sa religion comme elle l’entend sans interférer dans la gestion de l’État (exemple la France), le vote des libanais vivant à l’étranger pour les législatives et la présidentielle, les problèmes de corruptions etc...).

Jean-Marc Aractingi, Diplomate

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A lire aussi l'article du Professeur Chems Eddine CHITOUR, Ecole Polytechnique enp-edu.dz

Liban - L’assassinat de Rafic Hariri : une nouvelle version qui dérange

« Nous voulons coopérer avec l’enquête. Comme tous les Libanais, nous voulons connaître la vérité. Nous avons condamné l’assassinat du ministre Al-Hariri depuis le début et estimé que c’était un tremblement de terre. »

Hassan Nasrallah leader chiite libanais

Ce mois de décembre, le Tribunal pour le Liban va publier l’acte d’accusation pour l’assassinat de Rafic Hariri le 14 février 2005. Petit retour en arrière pour situer Rafic Hariri. Rafic (Baha ad-Din) al Hariri mort assassiné le 14 février 2005 à Beyrouth, est un homme d’affaires et homme politique libanais, musulman sunnite. Il fait fortune en Arabie Saoudite avant de diriger cinq gouvernements au Liban entre 1992 et 2004, notamment de 1992 à 1998 puis de 2000 à 2004. Il démissionne de son poste de Premier ministre en octobre 2004, à cause de tensions avec le président Émile Lahoud. Le 14 février 2005, malgré le blindage de son véhicule, un attentat-suicide commis par camionnette contenant une seule charge explosive de 1 800 kg, composée d’un mélange de Rdx, Petn et Tnt le tue en même temps qu’une vingtaine de personnes sur la route du bord de mer de Beyrouth. Les services de renseignements syriens sont immédiatement montrés du doigt par l’opposition et une partie de la population. Selon certains témoignages, il aurait reçu des menaces de la part de la Syrie. En décembre 2005, l’ancien vice-président syrien Abdel Halim Khaddam [en exil à Paris après 20 ans de pouvoir, Ndrl] confirme ces accusations. (1)

Cet assassinat marque le début de ce que certains appellent la Révolution du cèdre, Une commission d’enquête est décidée par le Conseil de sécurité le 7 avril 1995. Le 1er septembre 2005, sur la proposition du procureur allemand Detlev Mehlis, agissant dans le cadre d’une enquête internationale mandatée par l’Organisation des Nations unies (ONU) à la demande de la France, le procureur général de la République libanaise Saïd Mirza procède à l’incarcération de quatre suspects repérés grâce à leur téléphone mobile : Moustapha Hamdane (chef de la garde présidentielle), Jamil Sayyed (ancien chef de la sûreté générale), Ibrahim El-Haj (ex-directeur des forces de sécurité intérieures) et Raymond Azar (chef des services de renseignements de l’armée). Le 20 octobre, Mehlis remet son premier rapport au secrétaire général des Nations unies Kofi Annan. La rétraction du principal témoin de la commission d’enquête internationale, Hussam Taher Hussam, déclarant avoir été payé par Saâd Hariri pour figurer comme principal témoin à charge contre les autorités syriennes affaiblit le rapport Mehlis. Le 13 mars 2008 cependant, la France prétend avoir « perdu » Zouheir Siddiq. Certains y voient le signe d’un embarras face à l’effondrement de la thèse syrienne. Le 29 décembre, le Belge Serge Brammertz, procureur adjoint à la Cour pénale internationale succède à Detlev Mehlis. Le 30 mai 2007, le Conseil de sécurité de l’ONU décide de justesse, par 10 voix sur 157, la création d’un tribunal spécial chargé de juger les assassins de Hariri. Le huitième rapport rendu public en juillet 2007 a fourni plusieurs informations nouvelles. Le Tribunal spécial pour le Liban (TSL), chargé de juger l’assassinat de Hariri, a officiellement entamé ses travaux le premier mars 2009. Le 29 avril 2009, le TSL ordonne la remise en liberté de Hamdane, Sayyed, al-Haj et Azar car, depuis leur incarcération 3 ans et 8 mois plus tôt, aucun élément n’a été obtenu pour justifier ces incarcérations (1)

Qui a intérêt à l’assassinat de Hariri ?

Trois parties sont désignées. C’est d’abord la Syrie, celle-ci soumise à de fortes pressions du fait, notamment des liens qui unissaient Jacques Chirac à Rafic Hariri et du fait du soutien à l’Iran. La Syrie, malgré ses dénégations, fut la première désignée par Jacques Chirac. Immédiatement, le président de la République ordonne l’envoi de quinze membres du service action de la Dgse pour protéger la famille Hariri et procéder aux premiers relevés d’indices. À Paris ou au siège des Nations unies, à New York, la pression sur Damas est à son comble. Fin avril, elle obligera la Syrie à retirer ses troupes du Liban, après 25 ans d’occupation. (2)

Cela n’empêcha pas l’Occident de continuer à accuser les services syriens avec la complicité d’un témoin qui se rétractera par la suite. Nous lisons une version parmi tant d’autres sous la plume de Gilles Munier : « De toute évidence, s’il y a un pays qui n’avait pas intérêt à assassiner Rafic Hariri, c’est bien la Syrie. Elle n’en avait pas, non plus, la capacité. Comme Rafic Hariri se déplaçait dans un véhicule muni d’un radar qui brouillait les mécanismes de mise à feu des explosifs commandés à distance, ses assassins devaient posséder du matériel de contre- brouillage très sophistiqué. De plus, quand il quittait un endroit, trois convois blindés partaient dans des directions différentes. Comment le commando pouvait-il être sûr de sa présence dans un véhicule autrement que par un système de surveillance aérien à haute altitude ? Dans la région, seuls les Etats-Unis et Israël peuvent mettre en branle de tels moyens. La revendication de l’opération par un groupe inconnu appelé « La victoire et le Djihad en Grande Syrie » n’est pas crédible. On voit mal comment le Palestinien Ahmed Abou Adas aurait pu disposer des moyens logistiques et techniques nécessaires à sa réalisation, comment il aurait pu camoufler 300 kg d’explosif C4 dans un égout sans se faire remarquer et aurait su que l’ancien Premier ministre libanais allait passer par là. Selon la résistance irakienne, l’attentat de Beyrouth ressemble à ceux dont l’origine demeure inexpliquée à Baghdad. Pour Rime Allaf, de l’Institut royal des affaires internationales de Londres (Reuters - 14/2/05), il est « l’oeuvre de services secrets, pas d’une petite organisation ». Il a pour but, dit-elle, de « plonger le Liban dans le chaos » et de « faire accuser la Syrie ». Mustafa Al-Naser, conseiller de Rafic Hariri, va plus loin : il accuse le Mossad de l’assassinat (Iran News Agency - 15/2/05). (3)

C’est vrai, il faut arrêter d’incriminer Israël. Cet Etat n’avait aucun intérêt dans l’assassinat de Hariri. Pas plus qu’il n’en avait en 1948 dans l’assassinat du comte Bernadotte à Jérusalem, commis par le Stern mais couvert par Ben Gourion et d’abord mis sur le compte des Arabes. Pas plus qu’il n’en avait dans les divers attentats à la grenade commis en 1950/51 contre les juifs irakiens (y compris contre des synagogues de Baghdad) afin de les faire partir d’Irak (voir Wikipédia : Naeim Giladi un ex-agent sioniste qui se confesse dans « Comment les Britanniques et les sionistes ont provoqué l’exode de 120.000 Juifs d’Irak : après 1948 », pas plus qu’il n’en avait dans l’attentat contre les bâtiments américains et britanniques en Egypte en 1954 au moment de l’arrivée au pouvoir de Nasser, afin d’empêcher tout rapprochement de Nasser avec les Etats- Unis (ce qu’on appellera l’opération Susannah)

Pourtant curieusement Israël a refusé aux enquêteurs internationaux des images prises par ses drones sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri. De plus, c’est elle qui aurait mis la puce à l’oreille que la Syrie est derrière cet assassinat, en prétendant avoir détecté la disparition d’une tonne de produits explosifs C4 des dépôts syriens, 6 semaines avant l’assassinat. Ces deux révélations et d’autres sur le cours de l’enquête internationale menée sur l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri ont été révélées par le journal libanais Al Akhbar, à la foi d’un ancien directeur de l’enquête internationale, ayant requis l’anonymat et qui a travaillé neuf mois avec l’ancien enquêteur Detlev Mehlis.

Les israéliens auraient justifié leur refus par « une panne technique survenue dans les caméras de ses drones deux jours avant l’assassinat et qui a duré deux jours après » ! Non persuadés de la réponse israélienne et formulant la même requête aux Américains, les enquêteurs se sont vus opposé la même fin de non-recevoir, avec les mêmes raisons. « Ce qui est étrange c’est que les Américains ont répondu par le même alibi israélien, c’est-à-dire qu’une défaillance technique a surgi sur les appareils d’espionnage le jour de l’assassinat » souligne l’enquêteur international. Ce dernier fait remarquer non sans étonnement que Detlev Mehlis n’a pas trouvé de lien entre le refus d’Israël de fournir à la Commission des images et le fait de le considérer comme suspect !

Même si Israël est « incapable » bien qu’elle soit la quatrième armée technologique au monde, de commettre un tel attentat , est tout de même le seul Etat de la région qui, non seulement avait tout intérêt à voir disparaître Hariri en tant que sunnite, donc pro-palestinien potentiel à terme, mais est également l’Etat qui avait intérêt à empêcher un rapprochement de celui-ci avec la Syrie. Il faut rappeler qu’un des jeux de mots favoris des généraux israéliens concernant le Liban est : « Leba-non-State » qu’on peut traduire par Le Non-Etat du Liban ; c’est l’« ambition » de l’Etat d’Israël pour le Liban, surtout depuis l’échec du rêve de Ben Gourion qui consistait à en faire un « émirat » maronite vassal .

Reste le Hezbollah. Le 10 août 2010, à l’occasion d’une vidéoconférence, Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah libanais, accuse [sans preuve, Ndrl] Israël d’avoir organisé et perpétré l’assassinat de Rafic Hariri. Il montre des images « interceptées » par son mouvement, prises par un avion de reconnaissance de type MK. On y voit le détail de la résidence de Rafic Hariri à Beyrouth, les routes à proximité du Parlement, et celles longeant le bord de mer près duquel a eu lieu l’attentat. Les images ne sont pas datées, et ne présentent pas d’indice permettant d’établir un lien clair avec Israël. Pour Nasrallah, écrit Alain Gresh, il aurait fallu, dès le départ, qu’elle [la Commission d’enquête] prenne en compte toutes les hypothèses, les probables et les moins probables.« Or, dès le premier jour, la commission d’enquête n’a émis qu’une hypothèse. Cela signifie la politisation de l’enquête. Elle a désigné la Syrie et les quatre [officiers] libanais (libérés depuis). Tous les efforts ont été consacrés à la collecte de faux témoins pour étayer cette hypothèse « Dès le premier jour, ils ont exclu Israël. (...) Je ne veux pas accuser Israël, parce que je n’ai aucune preuve. Je fais des analyses comme d’autres font d’autres analyses. Mon analyse de la responsabilité d’Israël est solide comme analyse politique, mais je n’ai pas de faits. » (4)

L’autre version

Une toute autre version prend à contrepied la version de la camionnette bourrée d’explosifs. Nous lisons la contribution d’un journaliste russe : « Alors que la presse occidentale annonce l’imminente inculpation de dirigeants du Hezbollah par le Tribunal spécial pour le Liban, la revue russe Odnako remet en cause l’ensemble de l’enquête réalisée par les Nations unies. Selon Thierry Meyssan, l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri aurait été assassiné avec une arme fournie par l’Allemagne. L’ancien procureur allemand et premier responsable de l’enquête onusienne, Detlev Mehlis, aurait falsifié un indice pour masquer la responsabilité de son pays. Ces révélations embarrassent le Tribunal et renversent la donne au Liban. »(5) « Le 23 mai 2009, le journaliste atlantiste, Erich Follath, révéla dans le Spiegel Online que le procureur s’apprêtait à inculper de nouveaux suspects : des dirigeants militaires du Hezbollah. Depuis 18 mois, son secrétaire général, Hassan Nasrallah clame l’innocence de son parti. Il affirme que cette procédure vise en réalité à décapiter la Résistance pour offrir la région à l’armée israélienne. Venons-en aux faits : le convoi de Rafic Hariri a été attaqué à Beyrouth le 14 février 2005. L’attentat à fait vingt-trois morts et une centaine de blessés. Dès le départ de ces investigations, il a été admis que l’attentat avait été perpétré par un kamikaze qui conduisait une camionnette bourrée d’explosifs. Pendant longtemps, rien n’a été entrepris pour vérifier le modus operandi. Après avoir écarté l’hypothèse d’une bombe enfouie dans le sol, les enquêteurs ont considéré comme certaine la version de la camionnette sans la vérifier. Ce qui frappe en regardant les photos et les vidéos prises juste après l’attentat, c’est d’abord l’incendie. Partout des carcasses de voiture et des objets de toutes sortes brûlent. Puis, ce sont les corps des victimes : ils sont carbonisés d’un côté et intacts de l’autre. C’est très étonnant et cela n’a rien à voir avec ce que provoquent des explosifs classiques. » (5)

« La théorie d’un mélange de Rdx, Petn et Tnt dans la camionnette du kamikaze n’explique pas ces dégâts. L’explosion a dégagé un souffle d’une chaleur exceptionnellement intense et d’une durée exceptionnellement brève. Ainsi, les chairs exposées au souffle ont été instantanément carbonisées, tandis que l’envers des corps n’a pas été brûlé. Les objets à forte densité (comme la montre en or) ont absorbé cette chaleur et ont été détruits. Au contraire, les objets à faible densité (comme le linge fin du col de chemise) n’ont pas eu le temps d’absorber la chaleur et n’ont donc pas été touchés. Lorsque nous avons demandé à des spécialistes militaires quels explosifs pouvaient provoquer ces dégâts, ils ont évoqué un nouveau type d’arme qui fait l’objet de recherches depuis des décennies et de comptes rendus dans des revues scientifiques. En combinant des connaissances nucléaires et nanotechnologiques, on parvient à créer une explosion dont on contrôle précisément la puissance. On programme l’arme pour qu’elle détruise tout dans un périmètre donné, calculé au centimètre près.(...) Cette arme provoque aussi d’autres dégâts : elle exerce une forte pression sur la zone de l’explosion. Lorsque celle-ci s’interrompt, les objets les plus lourds sont projetés vers le haut. Ainsi, des voitures se sont élevées dans les airs. Techniquement, cette arme prend la forme d’un petit missile de quelques dizaines de centimètres de long. Il doit être tiré depuis un drone. En effet, plusieurs témoins ont assuré avoir entendu un aéronef survolant la scène du crime. Selon les experts militaires, en 2005, seule l’Allemagne était parvenue à maîtriser cette nouvelle technologie. C’est donc Berlin qui aurait fourni et programmé l’arme du crime. (...) Le caractère profondément malhonnête des investigations du duo Mehlis-Lehman n’a plus besoin d’être démontré. Leurs successeurs l’ont reconnu à demi-mot et ont annulé des pans entiers de procédure. » (5)

Pour Georges Corm, ancien ministre libanais des finances, « le Tribunal international, comme avant lui la commission d’enquête, sont un instrument pour susciter des tensions et créer des problèmes à l’intérieur du Liban ». Du temps de la commission d’enquête, le procureur allemand Detlev Mehlis avait eu recours à un nombre incroyable de faux témoins pour accuser la Syrie, ensuite on a créé ce Tribunal avant même que la commission d’enquête ne débouche sur les conclusions. Les faux témoins n’ont jamais été réinterrogés pour savoir qui les avait manipulés, envoyés et subventionnés ; le Tribunal, dès son origine, était un tribunal politique. Il y avait donc, dès le départ, des arrière-pensées, probablement pour cacher les vrais commanditaires de l’opération d’assassinat, dans les conditions dramatiques que l’on connaît, du président du Conseil Rafic Hariri. Je crois que toute la stratégie américaine actuelle est plutôt la déstabilisation et l’affaiblissement du Hezbollah sur le plan interne. Afin de faciliter justement une nouvelle agression israélienne. C’est comme ça qu’on peut interpréter toutes ces fuites savamment organisées à travers le Tribunal international selon lesquelles le Hezbollah serait impliqué dans l’assassinat de Rafic Hariri, sans que personne ne pose la question « quel aurait été son intérêt de tuer Hariri. » Les mêmes puissances occidentales, qui ont fait sortir la Syrie du Liban dans des conditions dramatiques et peu glorieuses, lui demandent sans cesse maintenant de réintervenir indirectement dans les affaires libanaises ». (6)

La situation étant très tendue, aucun des protagonistes, Etats-Unis, Liban, Syrie Iran France, n’a intérêt à ce que la situation dérape. Le procureur va prononcer, selon toute vraisemblance, un jugement qui permettra de stabiliser la situation. On ne saura pas, en définitive, ce qui s’est réellement passé et pourquoi cet assassinat.


1. Rafic Hariri:Encyclopédie Wikipédia

2. Georges Malbrunot : Assassinat de Rafic Hariri Le Figaro 4 décembre 2010

3. Gilles Munier : « Qui a assassiné Rafic Hariri ? » http://www.michelcollon.info/_Gille... 20 février 2005

4. Alain Gresh-Nasrallah, le Hezbollah. Le Monde diplomatique 5 avril 2010

5. Thierry Meyssan : Révélations sur l’assassinat de Rafic Hariri. Mondialisation.ca Mikhail Léontieff Odnako, 29 novembre 2010.

6. Georges Corm : « Le Tribunal spécial, un instrument pour susciter les tensions à l’intérieur du Liban » La Tribune. décembre 2, 2010  ( ci-joint l'article ) :

Georges Corm : « Le Tribunal spécial, un instrument pour susciter les tensions à l’intérieur du Liban »


Son caractère politique (TSL ndlr) serait-il en train de devenir flagrant ?

Le Tribunal international, comme avant lui la commission d’enquête, sont un instrument pour susciter des tensions et créer des problèmes à l’intérieur du Liban. Du temps de la commission d’enquête, le procureur allemand Detlev Mehlis avait eu recours à un nombre incroyable de faux témoins pour accuser la Syrie, ensuite on a créé ce Tribunal avant même que la commission d’enquête ne débouche sur les conclusions. Les faux témoins n’ont jamais été réinterrogés pour savoir qui les avaient manipulés, envoyés et subventionnés; on sait que la France a protégé un des principaux faux témoins qui est Zouhair Al-Seddik et qu’il demeure toujours protégé. Le Tribunal dès son origine était un tribunal politique puisque la justice pénale internationale ne s’occupe pas d’assassinat politique ni même d’opérations terroristes. La justice pénale internationale est faite pour les crimes contre l’humanité, pour les génocides, pour les déplacements forcés de populations. On n’a jamais vu un Tribunal se mettre en place pour juger un assassinat politique. Il y avait donc dès le départ des arrière-pensées, probablement pour cacher les vrais commanditaires de l’opération d’assassinat dans les conditions dramatiques que l’on connaît du président du conseil Rafic Hariri.

Dites-moi qui a intérêt à l’assassinat de Hariri, je vous dirai qui est le coupable ou le commanditaire …

Regardez les résultats de l’assassinat, vous comprendrez qui a fait l’opération.

La dernière visite du président iranien au Liban a été au centre de controverses…

Non, elle a été controversée uniquement par certains milieux politiques occidentaux, le président iranien a reçu un accueil extrêmement chaleureux au Liban. On doit quand même à l’Iran ses aides militaires au Hezbollah. Des aides qui ont permis, on l’oublie souvent, de libérer un territoire occupé par Israël pendant 22 ans. Il n’y a aucune raison de ne pas recevoir le président iranien. Ce sont les médias internationaux et certains médias arabes très proches des milieux occidentaux qui ont voulu créer un problème à l’occasion de cette visite.

Son déplacement au Sud-Liban a été considéré comme «provocateur» par certains milieux…

Pas du tout, au contraire, le président iranien, sans se faire son avocat, a évité d’aller à «Bawabet Fatma» le point le plus proche de la présence militaire israélienne justement pour éviter que ne s’enfièvrent encore plus les polémiques. Tout ce qu’il a déclaré, ce sont des choses qu’il avait déjà dites précédemment. Par exemple, concernant Israël, le fait que cet Etat aura beaucoup de difficultés à survivre dans l’avenir vu sa politique dans la région. Par ailleurs, sur le plan libanais interne, il n’a fait que prêcher la concorde entre les communautés libanaises et le maintien de la très riche diversité religieuse libanaise.

La coalition entre le Hezbollah et le courant de Michel Aoun demeure un exemple du genre. N’est-elle pas appelée à se disloquer ?

Non, c’est une coalition qui a empêché que le Liban ne retombe dans la guerre civile, le général Aoun a été très lucide et très courageux, c’est pour ça qu’il a été attaqué très fortement par les mêmes milieux occidentaux. L’alliance est extrêmement solide et soutenue par beaucoup de Libanais qui ont très bien compris que la conversion du Hezbollah à la démocratie communautaire était un grand acquis. Et c’est justement le travail du courant patriotique libre du général Aoun. Il faut dire que le document d’entente qui a été signé est véritablement un garde-fou par son contenu à tout retour à la guerre civile.

Le système confessionnel en vigueur au Liban a-t-il de l’avenir ?

Vous savez, il a de l’avenir tant qu’on continuera de manipuler et d’instrumentaliser le religieux de façon aussi scandaleuse. Non seulement dans la région mais à l’échelle du monde entier. Maintenant, un jour ou l’autre, il faudra le dépasser mais c’est sûr que le Liban tout seul ne peut pas le faire si l’ensemble de la région continue de vivre dans les grandes mythologies religieuses. En plus, aujourd’hui, vous avez cette nouveauté qui prend de l’ampleur, ce supposé conflit entre sunnites et chiites et ce prétendu triangle chiite que l’Iran manipulerait et qui voudrait déstabiliser le monde arabe. Il est évident que ce sont des divagations de bureaux d’études
politiques qui ont siège à Washington, New York, Paris, Bruxelles…

Depuis quelque temps, des informations font état qu’Israël prépare une énième agression contre le Liban…

Je crois que la leçon donnée à l’armée israélienne en 2006 par cette résistance extraordinaire du Hezbollah est encore dans les mémoires. Je ne crois pas que les Israéliens essaieront de nouveau à se heurter au Hezbollah. Je crois que toute la stratégie américaine actuelle est plutôt la déstabilisation et l’affaiblissement du Hezbollah sur le plan interne. Afin de faciliter justement une nouvelle agression israélienne. C’est comme ça qu’on peut interpréter toutes ces fuites savamment organisées à travers le Tribunal international selon lesquelles le Hezbollah serait impliqué dans l’assassinat de Rafic Hariri, sans que personne ne pose la question quel aurait été son intérêt de tuer Hariri. La même question pour la Syrie. L’assassinat a servi à la chasser du Liban et à l’encercler régionalement et internationalement. Je crois aujourd’hui que la politique pure et dure des Occidentaux, de l’Otan et des cercles militaires, de concert avec Israël, c’est d’entraîner le Hezbollah dans des problèmes internes libanais et dans cette dangereuse querelle sunnite- chiite. Mais je pense qu’il y a suffisamment de sagesse, notamment chez le Hezbollah au Liban, pour ne pas se laisser piéger.

La question des armes de la résistance demeure un problème en suspens…

Il y a certains Libanais qui sont poussés par les ambassades étrangères ou impressionnés par les médias occidentaux qui pensent que c’est un grand problème, ils ont d’ailleurs réussi en mai 2008 à «provoquer» le Hezbollah quand il s’est agi de démanteler son réseau de télécommunications. Après avoir réagi promptement, le Hezbollah avait remis les positions qu’il avait prises à l’armée libanaise. Ce qui prouve bien que le Hezbollah n’a aucune intention de faire un coup d’Etat ou de prendre le pouvoir au Liban comme le prétendent certains milieux.

Le rôle de la Syrie semble avoir changé depuis quelque temps. Après la diabolisation à outrance, les Occidentaux sont plus conciliants à l’égard de Damas. Serait-ce pour casser l’axe irano-syrien ?

Les mêmes puissances occidentales, qui ont fait sortir la Syrie du Liban dans des conditions dramatiques et peu glorieuses, lui demandent sans cesse maintenant de réintervenir indirectement dans les affaires libanaises. On remarque que la politique n’est jamais quelque chose de très rationnelle. Par ailleurs, les Occidentaux s’imaginent pouvoir détacher la Syrie de l’Iran et donc par là couper les approvisionnements du Hezbollah, bref, il y a un déni de réalité, des desseins qui ne sont pas pragmatiques du tout. Mais qui entraînent malheureusement des violences terribles. Lors de l’invasion américaine de l’Irak, tout le monde pensait à une promenade militaire pour rétablir la démocratie au Moyen-Orient. On a vu ce qu’est devenu l’Irak, il a été rejeté à l’âge de pierre, exactement comme l’avait demandé George Bush père lors de la première guerre du Golfe.

On dit que l’ambassade de l’Arabie saoudite à Beyrouth dispose d’un ascendant certain sur la scène politique interne au Liban. Quel est le niveau d’influence de Riyad au Liban ?

L’Arabie saoudite depuis l’arrivée de Hariri est la puissance quasiment hégémonique au Liban. Vous avez un condominium syro-saoudien qui a bien marché après les accords de Taef et qui a été rompu par l’assassinat de Hariri, ce qui a abouti à l’éviction complète de la Syrie du Liban puis ensuite un retour progressif ou une normalisation des relations. Et maintenant, la question du Tribunal international qui est en train de jeter un grand froid parce qu’il est clair aujourd’hui qu’en accusant le Hezbollah, le Tribunal va très probablement conclure que des éléments du Hezbollah avaient des connexions avec les services syriens. Cependant, je ne crois pas que cet acte d’accusation provoque un embrasement au Liban, mais simplement, il installera une espèce de terreur psychologique. Je pense qu’il y aura peut-être quelques incidents sporadiques de violence à droite ou à gauche notamment au nord du Liban où il y a des fondamentalistes sunnites assez actifs, mais ça restera très localisé. Il faut dire que le pouvoir en Arabie saoudite n’est pas complètement unifié par rapport à la question libanaise. Vous avez une branche qui représente le roi Abdallah qui est modérée au sens du maintien de la solidarité musulmane interarabe, alors que d’autres branches dans le royaume travaillent toujours sur les anciennes hypothèses ou sur la théorie d’une guerre sunnite chiite à l’échelle régionale.

En un mot, comment voyez-vous l’avenir du Liban ?

Il n’est pas séparable de l’avenir de la région. Je ne crois pas qu’il y aura une stabilisation ni les conditions d’une paix dans un proche avenir, mais ce n’est pas une raison pour ne rien faire; au contraire, il faut redoubler d’analyses qui soient un peu plus proches de la réalité du terrain et qu’on cesse de divaguer au profit de desseins géopolitiques qui ne tournent jamais à l’avantage des pays arabes en tout cas.

mercredi 15 décembre 2010

LIBAN :Samir Frangié : Le Hezbollah doit avoir le courage de se dissocier de certains de ses membres s’ils venaient à être accusés

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Samir Frangié : Le Hezbollah doit avoir le courage de se dissocier de certains de ses membres s’ils venaient à être accusés


Le 7 décembre dernier, à l'hôtel Gabriel, un groupe d'une centaine d'intellectuels et de militants au sein de la société civile ont fait paraître le document fondateur du Rassemblement pour la justice et la réconciliation (RJR), avec en toile de fond le souci d'éviter au pays de sombrer dans la crise au lendemain de l'acte d'accusation du Tribunal spécial pour le Liban dans l'affaire de l'assassinat de Rafic Hariri, et de faire de cet acte judiciaire non pas le point de départ d'une guerre de mille ans, mais d'une réconciliation nationale définitive.

Pour « L'Orient-Le Jour », l'ancien député Samir Frangié, l'un des principaux artisans de ce texte, décortique le sens et la portée de cette initiative.

Question - Quel est l'objectif du Rassemblement pour la justice et la réconciliation au lancement duquel vous avez participé ?

Réponse - Depuis plusieurs mois déjà, le débat engagé sur le Tribunal spécial pour le Liban tourne principalement autour de questions portant sur la nature de l'enquête. Est-elle fondée sur de faux témoignages ou sur des écoutes téléphoniques manipulées par les Israéliens ? Les enquêteurs ont-ils pris en considération une éventuelle « piste » israélienne ? Les informations publiées par les médias étrangers ne remettent-elles pas en question l'intégrité de l'enquête censée demeurer secrète ? Ce débat, ponctué de menaces concernant la paix civile, ne prépare pas les Libanais à la parution prochaine de l'acte d'accusation. Or, celui-ci risque de provoquer un véritable séisme tant au Liban que dans la région. Voilà pourquoi nous avons décidé de lancer cette initiative dont l'objectif est de faire du processus de justice que l'acte d'accusation initie le point de départ d'une véritable réconciliation entre les Libanais.

Le Hezbollah, qui s'oppose catégoriquement au TSL, peut-il accepter la réconciliation que vous proposez, une réconciliation fondée sur la justice, et ce alors même qu'il pourrait être inculpé par l'acte d'accusation ?

L'acte d'accusation n'inculpe pas des communautés, des partis ou des États, mais des individus. Il est demandé au Hezbollah, au cas où certains de ses membres seraient inculpés, d'avoir le courage de se dissocier d'eux. Il doit le faire pour ne pas entacher son passé de résistant et sa participation à la libération du pays. Il doit le faire également pour préserver la communauté à laquelle il appartient et qui n'a pas ménagé ses sacrifices dans la lutte que lui-même a menée. Il doit y souscrire enfin pour ne pas faire de cet acte de justice le point de départ d'un conflit entre les communautés musulmanes aussi bien au Liban que dans la région.

Cette demande que vous adressez au Hezbollah vous semble-t-elle réaliste ?

Oui, si l'acte d'accusation incrimine certains de ses partisans. D'ailleurs, cette dissociation, la Syrie l'a faite depuis un moment déjà quand elle a annoncé par la voix de son ministre des Affaires étrangères sa volonté de traduire en justice tout citoyen syrien qui serait nommé dans l'acte d'accusation.

Pensez-vous que le Hezbollah, qui dispose d'une force militaire considérable, va accepter de se plier aux exigences d'une justice dont il n'a jamais accepté le principe même, estimant qu'elle n'est qu'une arme aux mains de ses adversaires ?

Je pense qu'il n'a pas le choix. La force dont il dispose peut certes lui permettre d'entraver le cours de la justice, mais elle ne peut pas lui permettre d'ôter à la justice sa portée symbolique qui, dans ce cas, est capitale. Le Hezbollah est aujourd'hui placé devant un choix difficile, entre se mettre au ban de la loi ou réintégrer l'État aux conditions de l'État.

Les autres Libanais n'ont-ils pas également de responsabilités en ces moments cruciaux ?

Certainement ! Il est impératif pour eux de préserver la justice en empêchant son instrumentalisation par un camp ou l'autre et d'aider, de ce fait, le Hezbollah à opérer cette dissociation nécessaire entre lui et les personnes qui pourraient être inculpées. Il est également impératif de faire de cet acte de justice le point de départ d'une véritable réconciliation. Il ne faut plus répéter les erreurs du passé et faire assumer à une communauté - aujourd'hui la communauté chiite, en 1990 la communauté chrétienne - la responsabilité de tous nos malheurs.

Vous liez dans le texte fondateur du RJR cette réconciliation à la reconnaissance par les Libanais de leur responsabilité commune dans les guerres qui ont ravagé leur pays. Pourquoi ?

L'assassinat de Rafic Hariri n'est pas le seul crime commis au cours de ces trente dernières années de guerre. Or c'est le seul crime à faire l'objet d'un jugement, ce qui a conduit certains à affirmer que la justice était sélective et donc, de ce fait même, « politisée ». La réponse à cet argument est, d'un point de vue juridique, évidente. Mais le problème que pose cette objection se situe ailleurs. Il est d'ordre éthique. Comment peut-on juger un crime tout en sachant que tous les autres - et ils sont nombreux - demeureront impunis, soit parce qu'ils ont fait l'objet d'une loi d'amnistie, soit alors parce que la justice n'en a pas été saisie ? Si l'assassinat de l'ancien Premier ministre fait aujourd'hui l'objet d'un procès en justice, il est nécessaire, par esprit de justice, de reconnaître notre responsabilité morale pour tous les crimes qui ne feront pas l'objet de jugement.

C'est à ce prix que la justice que nous réclamons pourra nous aider à tourner la page du passé, à mettre fin à l'impunité qui a longtemps prévalu et à réhabiliter la loi qui est au fondement de notre vie commune.

L’Orient-LeJour du 15/12/2010

dimanche 12 décembre 2010

L'Etau se resserre sur Saad Hariri !


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Diplogéostratégies avait fait une analyse succinte du dilemme de Saad Hariri en écrivant  le 14 Août 2010 sous le titre :

Assassinat Hariri : Le Tribunal spécial Mort-Né!

Saad Hariri piégé de son propre chef !
1) Sayed Hassan Nasrallah, a affirmé jeudi 22 juillet 2010 avoir été personnellement informé par le premier ministre libanais, Saad Hariri, que des membres du parti chiite seront accusés par le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) pour l'assassinat de l'ancien premier ministre Rafic Hariri.

Pourquoi Saad Hariri a fait cette révélation à Sayed Nasrallah?

2) Le fait d'avoir avertit Hassan Nasrallah que des membres du Hezballah seraient accusés par le TSL, Saad Hariri qui n'a pas attendu les résultats du TSL a donné l'occasion à ce dernier de pointer du doigt Israël comme étant le responsable de l'assassinat.
En fait pourquoi mettre de coté Israël?

Mais au Liban cette révélation de Saad Hariri est une épée de Damoclès sur sa tête: soit il accepte le jugement du TSL qui met en cause certains membres du Hezballah ce qui aura pour conséquence une Fitna, soit il rejette cette accusation du TSL, afin de préserver le pays d'une nouvelle guerre civile,et pointe lui aussi Israël comme responsable de l'assassinat de son père.
Cette dernière solution, à l'état actuel des choses et des rapports de force au Liban semble être la plus sage et tant pis pour le TSL: il sera mort-né.
Il est préférable comme dit un proverbe arabe manger le raisin que de tuer le gardien de la vigne.
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Nous reproduisons aujourd'hui un article paru dans l'Express en date du 11 Décembre 2010 soit 5 mois après notre analyse, intitulé : Le dilemme de Hariri et qui reprend en quelque sorte nos appréhensions .

Voici le texte del'article:

Alors que le tribunal international chargé de juger les assassins de son père va rendre son acte d'accusation, le Premier ministre doit trancher entre justice et raison d'Etat. Il choisira sans doute la seconde. Au nom de l'unité du pays et de l'exemple paternel.

Avis de tempête sur Beyrouth. Chargé de juger les auteurs présumés des attentats qui ont fait, entre 2005 et 2008, une soixantaine de victimes et coûté la vie à l'ancien Premier ministre Rafic Hariri, le Tribunal spécial pour le Liban s'apprête à publier son acte d'accusation. Celui-ci mettrait en cause plusieurs personnalités du Hezbollah. Inacceptable pour le mouvement chiite... Son chef, Hassan Nasrallah, somme le gouvernement de rejeter en bloc le verdict et le tribunal et menace le pays d'un nouveau coup de force, au risque d'embraser toute la région.

Syriens et Saoudiens s'efforcent de calmer le jeu, fût-ce au détriment de la vérité. Pour y parvenir, ils demandent la coopération du seul homme qui puisse légitimement, sur ce dossier, faire des concessions : Saad Hariri, Premier ministre du Liban. Et fils du leader sunnite assassiné.

Jusqu'où ce dernier peut-il aller sans se renier ni porter atteinte à la mémoire de son père ? A plusieurs reprises, au cours de l'entretien qu'il accorde à L'Express, à la fin de novembre, dans son bureau du Sérail - le Matignon de Beyrouth - il insiste sur sa volonté de rassembler : "Je suis inquiet pour le Liban, confie-t-il. Nous devons privilégier le dialogue, et trouver le moyen de faire baisser la tension et de résorber nos divisions." Mais il rappelle aussi que le tribunal a été créé par le Conseil de sécurité des Nations unies, que la résolution a été ratifiée par le gouvernement d'union nationale qu'il préside, et qu'on "ne peut pas revenir là-dessus".

Depuis cinq ans, le fils de Rafic Hariri a mobilisé la communauté sunnite en lui promettant la "vérité" et la "fin de l'impunité". "Rejeter par avance les conclusions du tribunal, comme le Hezbollah le lui demande, serait un suicide politique, affirme Nohad Machnouk, un député sunnite de Beyrouth qui fut très proche de son père. Le compromis ne peut porter que sur ce qui se passera après la publication de l'acte d'accusation, sur la façon d'en amortir les conséquences."

Rien ne prédestinait ce jeune père de famille - il a tout juste 40 ans - à endosser une telle responsabilité. Il n'est pas l'animal politique qu'était son père, il n'est pas non plus l'aîné de la famille, et Rafic Hariri, de son vivant, avait déclaré qu'il ne voulait pas fonder de dynastie... "Jamais Saad Hariri ne s'est projeté dans l'idée de faire de la politique", souligne l'universitaire libanais Joseph Bahout.

Mentors français et saoudiens

En février 2005, lors de l'attentat qui a coûté la vie à son père, il vit à Riyad, en Arabie saoudite, où il dirige Saudi Oger, l'entreprise familiale devenue l'un des leaders mondiaux de la construction. Très introduit dans le pays, il fréquente les princes de sa génération et le diwan (salon) royal. Il collectionne les motos et fait de la plongée sous-marine, passe ses week-ends à Londres, Paris ou Monte-Carlo. Son épouse, Lara Bachir el-Azm, une Saoudienne d'origine syrienne, attend leur troisième enfant. Un petit garçon, qui naîtra en septembre 2005.

C'est au printemps de cette année-là que, comme il le dit lui-même, la politique lui est "tombée dessus". L'assassinat de Rafic Hariri a pour effet de précipiter le retrait de l'armée syrienne du Liban, sous la pression conjointe des Etats-Unis et de la France. Il provoque aussi une révolte populaire, inédite au pays du Cèdre, contre la tutelle de Damas.

Parrainé par l'Arrabie saoudite du roi Abdallah, Saad Hariri sait que la voie de la paix est étroite.

Le mouvement se cherche un chef. Celui-ci ne pouvait être que sunnite et bénéficier de l'agrément de l'Arabie saoudite, parrain traditionnel de cette communauté. C'est le roi Abdallah en personne qui adoube Saad. Un choix ratifié par Jacques Chirac, très proche de la famille. Pourquoi le cadet, plutôt que Bahaa, l'aîné ? Sous le couvert de l'anonymat, ceux qui ont vécu cette période disent tous à peu près la même chose : les Saoudiens connaissaient mieux Saad, ils le savaient surtout calme et souple. Bahaa est réputé plus "abrasif".

Saad Hariri est né à Riyad en 1970. Il est le dernier d'une fratrie de trois. Quelques années seulement après sa naissance, Rafic se sépare de leur mère et se remarie. Il envoie alors ses trois garçons à Saïda, au Sud-Liban, où ses parents, sa soeur, Bahia, et son mari habitent une grosse villa sur les hauteurs de la ville. Saad est, dit-on, resté profondément attaché à cette tante, aujourd'hui députée, qui l'a élevé jusqu'à l'âge de 12 ans.

En 1982, les Israéliens envahissent le Liban. Saad et ses frères sont, pour la première fois, confrontés à la guerre. Lui garde le souvenir d'un balcon qui a bien failli leur tomber sur la tête, après la chute d'un obus, alors qu'ils sortaient du cinéma où ils s'étaient rendus en cachette... L'année suivante, leur père les envoie en pension dans un collège huppé près de Paris, l'Institution Palissy, à Joinville-le-Pont (Val-de-Marne). Aux Etats-Unis, ensuite, Saad poursuit ses études à l'université Georgetown de Washington. Cette période est marquée par une tragédie qui laissera des traces : la mort de l'un des trois frères, Hussam, âgé d'un an de plus que Saad, dans un accident de voiture.

Entre 2005 et 2008, les attentats ont fait une soixantaine de victimes et coûté la vie à l'ancien Premier ministre Rafic Hariri.

En ce printemps 2005, Saad Hariri entre donc en politique par devoir. "Il est hanté par son père, dit un bon connaisseur du microcosme libanais. Il s'interroge toujours, lorsqu'il doit prendre une décision importante, sur ce que Rafic aurait fait à sa place." Conseillé par ses mentors français et saoudiens, il choisit cependant de rester simple député, sans briguer tout de suite le poste de Premier ministre, qu'il laisse à Fouad Siniora. "Je manquais d'expérience, dit-il. Il a d'abord fallu que je prenne un crash course en politique libanaise. Dans le monde des affaires, quand on veut aller de A à B, on y va tout droit. En politique, il faut d'abord passer par X, Z ou D, avant d'arriver à B."

Il découvre aussi le jeu moyen-oriental, ses luttes et ses rivalités, si éloigné de sa jeunesse dorée. On lui reproche parfois son dilettantisme ou sa connaissance approximative des réalités libanaises, lui qui n'a, dit Joseph Bahout, "jamais acheté un sandwich dans la rue à Beyrouth". A l'époque, le chef druze Walid Joumblatt joue les grands frères. Saad s'applique et apprend. "Il a une grande capacité d'écoute. Il écoute plus qu'il ne parle et, quand il s'exprime, c'est à demi-mot", souligne Okab Sakr, chiite, ancien journaliste, aujourd'hui député et l'un de ses plus proches amis.

Les assassinats politiques se succèdent. Les victimes appartiennent toutes au camp des antisyriens. Le jeune député est particulièrement touché par la mort du chrétien Pierre Gemayel, fils de l'ancien président de la République Amine Gemayel, avec lequel il avait sympathisé. "Au début, il passait son temps à assister à des funérailles", se souvient l'un de ses proches.

Le Hezbollah chiite est monté en puissance, occupant en 2008 plusieurs quartiers de Beyrouth.

En 2008, sunnites et druzes découvrent à leurs dépens que les armes du Hezbollah ne sont pas seulement celles de la "résistance" contre Israël. La milice chiite occupe plusieurs quartiers de Beyrouth. Saad est chez lui, et voit sa villa encerclée. C'est son baptême du feu. Il tient bon et sans doute gagne-t-il ce jour-là, grâce à son sang-froid, aux yeux des sunnites, ses galons de zaim (chef). Mais le Hezbollah obtient un droit de veto sur les affaires du Liban. Devenu Premier ministre en novembre 2009, le fils de Rafic Hariri est contraint, au terme des accords de Doha (Qatar) d'offrir 10 portefeuilles (sur 30) à l'opposition, dont deux au Hezbollah, alors même que sa coalition est majoritaire au Parlement.

Damas, qui a soutenu le parti chiite, revient par ailleurs en force dans le jeu libanais. Car la donne a changé. L'Arabie saoudite, après la France, espère, en se rapprochant de la Syrie, l'éloigner de son allié iranien. Le 19 décembre 2009, un peu moins de cinq ans après l'assassinat de son père, Saad Hariri est à Damas. L'heure est à la redistribution des cartes et il n'a pas vraiment eu le choix. Peu après, toujours pressé par les Saoudiens, il franchit un pas de plus en affirmant, dans une interview au journal arabe de Londres Al-Chark Al-Awsat, que l'accusation qu'il avait portée contre la Syrie à propos de l'assassinat de son père était "politique" et qu'il en était "fini de cette accusation".

Le Premier ministre vit reclus dans son propre pays

Au Liban, au sein de son propre camp, le retournement est critiqué. "Il y a des décisions qui provoquent des douleurs compréhensibles. Mais je suis le Premier ministre du Liban et de tous les Libanais", confie-t-il peu après à Paris Match. "Il savait qu'en devenant Premier ministre il aurait à réconcilier le Liban et la Syrie et qu'il lui faudrait, par conséquent, prendre le chemin de Damas, analyse Nohad Machnouk. Il n'y a pas de stabilité possible au Liban sans relation apaisée avec la Syrie. Devenir Premier ministre, c'était, déjà, une façon de venger son père, c'est pourquoi il tenait tant à occuper ce fauteuil."

"Après l'assassinat de mon père, dit aujourd'hui à L'Express Saad Hariri, il y a eu beaucoup de préjugés. Des choses ont été dites, qui n'auraient pas dû l'être. A partir du moment où une enquête internationale avait été décidée, je n'avais pas, moi, Premier ministre, à préjuger de ses conclusions."

A Beyrouth, le Premier ministre libanais vit reclus. Pour des raisons de sécurité, mais aussi parce qu'il tient à ce qu'ils aient une "vie normale", il a laissé à Riyad sa femme et ses trois enfants. Il va les voir dès qu'il le peut, "une ou deux fois par mois". Mais le reste du temps, il habite Beit al-Wasat, une grande maison qu'il a fait construire sur un terrain lui appartenant, à 50 mètres à peine de son bureau du Sérail. Comme il ne peut quasiment pas en sortir, ce sont ses amis qui viennent le voir. Ils sont une trentaine de fidèles, députés, hommes d'affaires, journalistes ou amis d'enfance. Les discussions se prolongent souvent tard dans la nuit. "Saad n'aime pas dîner seul, explique un habitué. Il a besoin d'être entouré d'amis."

"Un peu de justice et beaucoup de pardon"

La crise qu'il affronte aujourd'hui risque d'embraser le Liban et d'envenimer, au-delà, le climat déjà tendu entre chiites et sunnites. La situation est d'autant plus instable que le roi Abdallah d'Arabie saoudite a été hospitalisé à la fin de novembre aux Etats-Unis et que son fils préféré, Abdelaziz bin Abdallah, qui gérait le dossier, est à son chevet. C'est Bandar bin Sultan, fils du prince héritier saoudien, qui a repris depuis peu les contacts avec Damas.

Saad Hariri est contraint de se réconcilier avec la Syrie de Bachar el-Assad, ici le 18 mai 2010 à Damas.

La Syrie, qui craint toujours d'être mise en cause, ne veut pas d'un procès Hariri. Mais, selon certains analystes, elle n'aurait pas intérêt à remettre en jeu les bénéfices diplomatiques engrangés après le coup de force du Hezbollah de 2008 en soutenant une nouvelle attaque de la milice chiite. Damas pourrait donc retenir le Hezbollah à la condition que le Premier ministre prenne ses distances avec l'acte d'accusation après sa publication. En clair : que les choses n'aillent pas plus loin.

Comme les Saoudiens, empêtrés en Irak et au Yémen, ne souhaitent pas non plus ouvrir un nouveau front au pays du Cèdre, Saad Hariri devra sans doute accepter de faire une nouvelle concession. "Les Saoudiens ont passé Rafic Hariri par pertes et profits résume, sous le couvert de l'anonymat, un homme politique libanais. Ils n'en demanderont pas tant à Saad, parce qu'ils savent qu'il ne pourra franchir ce pas. Mais pas beaucoup moins."

Déjà, le Premier ministre a tendu la main au Hezbollah, en offrant de considérer les coupables présumés cités dans l'acte d'accusation comme des brebis égarées, une proposition rejetée par Hassan Nasrallah. "Au bout du bout, il y aura un peu de justice et beaucoup de pardon", estime Okab Sakr.

Il suffit que Saad Hariri fasse un faux pas pour que le Liban replonge dans la guerre civile

Il y a quelques jours, le Hezbollah accusait Israël d'avoir infiltré le réseau de téléphonie mobile libanais et fabriqué de toutes pièces les communications sur lesquelles se fonderait le tribunal pour inculper des responsables de la milice. Abracadabrantesque ? Sans doute. Mais c'est un discours qu'une fraction importante de l'opinion ne demande qu'à croire.

"Beaucoup de Libanais, dit un ministre de l'opposition, sont convaincus que le Conseil de sécurité de l'ONU est contrôlé par les Etats-Unis, qui, quant à eux, roulent pour Israël. Pour eux, par conséquent, le tribunal est une machination politique contre la résistance." C'est dire la profondeur du fossé qui sépare les deux camps.

Sur son site, à la question de savoir quel est son héros parmi les vivants le Premier ministre libanais cite Nelson Mandela. "Une fois arrivé au pouvoir, il avait, souligne-t-il, toutes les raisons de se venger du sort qu'on lui avait fait subir. Mais il a préféré rassembler son pays. C'est infiniment plus difficile, mais c'est la voie qu'un responsable politique se doit d'emprunter."

"Il suffit que Saad Hariri fasse un faux pas pour que le Liban replonge dans la guerre civile. Il en est conscient et pèse chacun de ses mots avec cette idée-là en tête", confie un homme d'affaires qui est aussi un ami de longue date. N'a-t-il jamais eu envie de jeter l'éponge ? Il lui serait, dit-on, arrivé de "vaciller". S'il n'a pas cédé à cette tentation, c'est peut-être parce qu'il ne décide rien de vraiment important sans aller d'abord se recueillir sur la tombe recouverte de chrysanthèmes blancs, dans le mausolée de la place des Martyrs.

lundi 6 décembre 2010

La Côte d’Ivoire atteinte par le virus Libanais

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Avec plus de 100.000 libanais en Côte d’Ivoire ce pays connaît actuellement la même situation qu’au Liban en 1989.


En effet en 1989 à la fin du mandat du Président Amine Gemayel, ce dernier nomme le Général Aoun Président du Conseil , or en même temps un autre Président du Conseil était en place Sélim Hoss : il y avait donc à la tête de l’État libanais deux gouvernements.


Curieusement le virus libanais a fait des émules :


Le président autoproclamé Laurent Gbagbo et son rival démocratiquement élu Alassane Ouattara ont chacun nommé son premier ministre. L’économiste Gilbert Marie Bo Aké pour le premier et l’ex-premier ministre Guillaume Soro pour le second.


On retrouve donc : Un pays, deux présidents, deux premiers ministres, et bientôt deux gouvernements. C’est un schéma politique assez inhabituel qui tiraille la Côte d’Ivoire.


Espérons pour lui qu’il ne retrouve pas l’issue que le Liban a connue, celle d’une guerre civile.


Diplogéostratégies



Article: Les libanais en Côte d'Ivoire ( un reportage de France 24 ) paru le 12  Décembre
2010 dans l'Orient-LeJour



Photo de l'article que  FRANCE 24 a consacré à la communauté libanaise en Côte d'Ivoire un article qui souligne l'inquiétude des Libanais face à la crise qui déchire ce pays d'Afrique.

Elle est implantée en Côte d'Ivoire depuis plus d'un siècle et est devenue une puissance économique majeure dans le pays. Pourtant, la communauté libanaise ne sait plus sur quel pied danser depuis que la crise politique se creuse en Côte d'Ivoire.
Par Guillaume LOIRET

4 décembre 2010, aux alentours de midi. Laurent Gbagbo reçoit des mains du grand chancelier Youssouf Koné le collier de président, en dépit du fait que son rival Alassane Ouattara a été déclaré vainqueur de l'élection par la commission électorale et les observateurs internationaux. Les représentants étrangers qui assistent à la cérémonie se comptent sur les doigts d'une main. Il y a là l'ambassadeur angolais, celui d'Afrique du Sud et... Ali Ajami, l'ambassadeur du Liban en Côte d'Ivoire.
Quelques jours plus tard, une partie de la communauté libanaise de Côte d'Ivoire choisit de se désolidariser du geste de M. Ajami. Le vendredi 10 décembre, un "membre influent de la communauté libanaise" explique au journal d'opposition Le Nouveau Réveil que les Libanais de Côte d'Ivoire ne doivent pas "se mêler de politique" dans "un pays frère, un pays d'accueil".
"La présence de l'ambassadeur m'a surpris, mais vu les intérêts libanais ici ce n'est pas si étonnant" explique à FRANCE 24, Ali, un Libanais d'Abidjan naturalisé ivoirien. De fait, à l'image de leur pays d'accueil, les Libanais de Côte d'Ivoire sont partagés par la crise politique qui secoue le pays. Première communauté non africaine en Côte d'Ivoire (plus de 60 000 personnes), économiquement très bien implantée, et traditionnellement proche du pouvoir, son positionnement est plus que délicat. "Les Libanais soutiennent traditionnellement le pouvoir en place" souligne Bernard Conte, chercheur à l'université Bordeaux-IV et bon connaisseur de la situation ivoirienne. "Mais là justement, qui est au pouvoir ? Les Libanais s'entendaient très bien avec Gbagbo, et ils s'adapteront à Ouattara s'il est reconnu président... Mais c'est encore trop confus".

Les Libanais, champions de l'économie ivoirienne

Pourtant, la connexion Beyrouth-Abidjan est ancienne et solide (voir encadré). Des années 1930 à la guerre israélo-libanaise de 2006, la Côte d'Ivoire a toujours ouvert les bras aux Libanais, devenus des acteurs majeurs de son économie. Autrefois cantonnés au petit commerce, les Libanais de Côte d'Ivoire sont désormais actifs dans des secteurs cruciaux comme les transports, la finance ou les hydrocarbures. "Ils tiennent l'économie" dit-on facilement à Abidjan, une idée corroborée par les chiffres : selon Roland Dagher, grand patron libanais d'Abidjan, "35 voire 40%" de l'économie est aux mains de la communauté libanaise, qui fournit "le même niveau d'emplois, sinon un peu plus, que la fonction publique ivoirienne".
Un entrepreneur français basé à Abidjan explique à FRANCE 24 les ressorts de cette puissance économique. Après une implantation commerciale historique, la communauté libanaise a non seulement profité de la vague de privatisations d'entreprises d'État à la fin des années 90, mais aussi des départs en cascade de patrons français dans le sillage des émeutes de novembre 2006. "Après 2006, les Libanais ont notamment racheté les galeries Peyrissac, les magasins Bernabé et Technibat", de grands noms de la distribution spécialisée à Abidjan.
"Certains sont même fiers de dire que c’est l’économie libanaise qui soutient le PIB ivoirien, et non plus l’économie française" poursuit cet entrepreneur, sous couvert d’anonymat. Le groupe Hyjazi ou encore la Global Manutention de Côte d’Ivoire (GMCI) du magnat ivoiro-libanais Ibrahim Ezzedine, sont aujourd’hui les fleurons des intérêts libanais en Côte d’Ivoire. Et d’après l’ambassadeur libanais à Abidjan, Ali Ajami, qui s’exprimait en 2009 dans les colonnes du journal libanais L’Orient-Le Jour, 10 % des entreprises libanaises réalisent plus d’un milliard de francs CFA de chiffre d’affaires annuel (1,5 million d’euros).

"La politique, on m’a toujours dit de ne pas m’en mêler"

Conséquence : cette omniprésence économique s'est toujours accompagnée de relations étroites avec le pouvoir. C'est ainsi qu'un Ivoirien d'origine libanaise, Georges Ouegninn, a longtemps été chargé de diriger le protocole d'État de la République ivoirienne, auprès des présidents Houphouët-Boigny puis Henri Konan-Bédié. Les bonnes relations se poursuivront ensuite avec Laurent Gbagbo, qui a nommé en 2000 deux Libano-ivoiriens - Roland Dagher et Fouad Omaïs - au Conseil économique et social, et autorisé en août dernier la création d'une Chambre de commerce et d'industrie libanaise à Abidjan.

Certains ont même reproché à Abidjan d'avoir été un peu trop indulgent dans son amitié avec le Liban. Les quartiers chiites de la capitale sont connus pour abriter des sympathisants du Hezbollah, d'après un Français d'Abidjan qui préfère rester anonyme, "les drapeaux verts du Hezbollah flottaient sur certains balcons du quartier de Marcory, surnommé 'le petit Beyrouth', pendant la guerre israélo-libanaise de 2006". L'imam de la mosquée Al-Ghadir, Abdul Menhem Kobeissi, a un temps été expulsé vers le Liban sous pression américaine en raison de sa proximité avec le Hezbollah... avant de revenir à Abidjan : on l'a vu prononcer un discours lors d'un meeting présidentiel de Laurent Gbagbo en octobre 2010.

Roland Dagher, courroie de transmission entre la communauté libanaise et le régime, n'a jamais caché ses fortes sympathies pro-Gbagbo. Et des Français d'Abidjan expliquent à France24.com que "les Libanais, légitimistes, ont plutôt soutenu Gbagbo au premier tour, non pas par conviction mais parce qu'ils pensaient qu'il serait élu". Mais, crise oblige, M. Dagher a évité de prendre officiellement position depuis le second tour de l'élection présidentielle. C'est finalement Ali, entrepreneur libano-ivoirien dans le domaine des cosmétiques, qui résume le mieux l'état d'esprit de la communauté libanaise : "Gbagbo ou Alassane, je m'en fous ! La politique, on m'a toujours dit de ne pas m'en mêler. Moi ce que je veux, c'est qu'on puisse enfin se remettre au travail". L'entreprise d'Ali n'a pas ouvert depuis 10 jours, faute d'approvisionnement et ce petit patron se demande comment il va faire pour donner à ses employés un salaire en décembre, mois des achats de Noël.

Encadré 1

Les Libanais en Côte d'Ivoire, un siècle d'immigration

Fin XIXe s. : arrivée des premiers Syro-Libanais, venus ouvrir des comptoirs commerciaux à Grand Bassam (ancienne capitale, à l'est d'Abidjan).
Entre deux-guerres : la grande famine de la Première guerre (1914-1918) puis la dépression économique des années 30 poussent de nombreux Libanais à immigrer en Afrique occidentale. Ils s'installent au Sénégal puis en Côte d'Ivoire, encouragés par l'administration coloniale française, dont le mandat au Liban débute en 1920.
1975-1990 : avec la guerre civile, de nouveaux Libanais partent pour la Côte d'Ivoire, où ils trouvent facilement à se loger et à travailler. Pour certains, le pays est devenu la terre d'asile d'un Liban ravagé par les conflits.
Été 2006 : lors de la guerre entre le Liban et Israël, Laurent Gbagbo accorde un accès sans visa aux ressortissants libanais.

Encadré 2

La communauté libanaise en Côte d'Ivoire

Population : 60 à 75.000 personnes, Libanais et binationaux.

Composition : majorité chiite (75%) provenant principalement de villes du Sud du Liban (Zrariyeh, Nabatiyeh, Tyr...) avec une minorité chrétienne (quelques milliers de personnes), quelques sunnites et familles druzes.
Quartiers : à Abidjan, la communauté libanaise vit dans les quartiers résidentiels de Marcory, Zone 4, Biétry, le Plateau ou Cocody.

La Mission libanaise du Sacré-Cœur(1954) est l'unique église maronite d'Abidjan.
Deux centres culturels islamiques, dont l'association Al-Ghadir, installés à Marcory gèrent deux mosquées chiites, des écoles, et sont très actifs dans le domaine caritatif.

La Chambre de Commerce et d'Industrie Libanaise en Côte d'Ivoire (CCIL-CI), dirigée par le Dr. Joseph Khoury, a été fondée à l'été 2010.