vendredi 25 mars 2011

Bachar Al -Assad dirige-t-il encore la Syrie?

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Bachar Al-Assad dirige-t-il encore la Syrie ?




Une étrange affaire, l'interdiction puis l'autorisation de distribution d'un quotidien appartenant à un cousin du chef de l'Etat syrien, contraint les observateurs, à quelques heures de manifestations annoncées comme massives, à s'interroger sur l'étendue de l'autorité que le président Bachar Al-Assad exerce encore sur le régime de son pays.

Les faits qui suscitent cette interrogation sont les suivants.

Tôt dans la matinée du jeudi 24 mars, le ministère syrien de l'information a interdit la distribution du quotidien Al Watan, qualifié d'indépendant en Syrie. Comme il est de règle dans ce pays, où le pouvoir considère qu'il n'a de compte à rendre à personne sur ses décisions, il n'a pas considéré utile d'informer le public des motifs de cette mesure. Le contenu du journal a toutefois été mis en ligne sur le site alwatanonline.com. Cela a permis de supposer que l'interdiction faisait suite à des propos extrêmement va-t-en guerre de son rédacteur en chef, Waddah Abed Rabbo, signataire d'un éditorial, le "Point de vue d'Al Watan", dont le moins qu'on puisse dire est qu'il n'appelait pas à l'apaisement.

Au lendemain du massacre – une centaine de morts – commis à Daraa, dans le sud du pays, par la répression des forces d'intervention de différents services de sécurité, il écrivait : "Est-il raisonnable. qu'un groupe de jeunes fixe au gouvernement un délai pour répondre à ses revendications ? Est-ce une manière de faire pacifique et civilisée ? Certains d'entre eux veulent et cherchent l'affrontement armé avec la Sécurité. Il n'est plus possible dans ces conditions de considérer leur mouvement comme 'pacifique'. Il s'agit au contraire d'une véritable bataille entre des forces de sécurité et des groupes armés. Ce qui impose un traitement de la question selon des principes radicalement différents."

Et il concluait : "Nous devons donc agir dans les rues, dans les mosquées, dans les cafés et les restaurants, sur Internet et sur les chaînes de télévision satellitaire. Nous sommes tous responsables. Nous sommes tous visés. Que personne d'entre vous ne dise que les Services de sécurité mènent le combat. Certes, ils sont sur le terrain, face aux éléments armés. Mais le terrain, aujourd'hui, c'est toute la Syrie, ses universités et ses rues. Leur protection est aussi bien notre responsabilité que celle de la sécurité." Bref, le journal appelait implicitement à une contre-révolution de la part des soutiens habituels du régime, face à une contestation à laquelle il refusait tout caractère "pacifique".

Or, en début d'après-midi, revenant sur sa décision du matin, le ministère syrien de l'information autorisait la mise en vente du journal, sans indiquer, encore une fois, les raisons de son revirement. Compte-tenu du mode de fonctionnement du régime syrien, il n'y a pas lieu de douter que cette mesure a été imposée par une très haute personnalité du régime, favorable pour sa part, si ce n'est à l'occupation du terrain à laquelle le quotidien appelait, du moins à une politique de la tension. Le message qu'il tenait à faire passer à la population était dépourvu d'ambigüité : le pouvoir syrien ne cédera ni aux ultimatum, ni aux manifestations dans la rue auxquelles il a les moyens de s'opposer, que ce soit en recourant à l'armée ou en mobilisant les membres du parti Baath et des organisations de masse qui lui sont inféodées. Pour avoir déjà vues ces milices à l'œuvre contre des militants des droits de l'homme, les Syriens savent qu'il ne s'agit pas là de menaces en l'air.

Cette vraie-fausse interdiction succédait, à quelques jours d'intervalle, à une autre vraie-fausse information, tout aussi intrigante. Le 8 mars dans la matinée, le site de l'agence officielle syrienne de presse Sana mettait en ligne le texte d'un décret présidentiel annonçant une amnistie pour les prisonniers politiques. Deux heures plus tard, il était "momentanément retiré pour modification". Mais le retrait temporaire s'est révélé définitif. Cette affaire démontrait soit que Bachar Al-Assad était allé trop vite en besogne et qu'il n'avait pas fini de s'interroger sur l'opportunité de cette mesure, soit qu'il avait été convaincu – et peut-être même contraint – par son entourage de renoncer à ce qui ne pouvait qu'apparaître comme une concession majeure aux revendications de sa population, au moment où celle-ci commençait à se faire entendre dans la rue.

L'intervention, jeudi 24 mars au soir, de la conseillère politique et médiatique du chef de l'Etat, Bouthayna Chaaban, a volontairement ou involontairement contribué à entretenir des doutes sur la réalité du pouvoir que détient encore Bachar Al-Assad sur le système à la tête duquel il a été installé d'autorité en juillet 2000. Au cours d'une conférence de presse improvisée à la hâte, à la veille d'un vendredi peut-être décisif dans la mobilisation de la population, elle n'a pas craint d'affirmer que "le président avait interdit aux forces de l'ordre de faire usage de leurs armes contre les citoyens, même si elles étaient elles-mêmes prises pour cible et comptaient dans leurs rangs des morts et des blessés".

Or, comme tous les témoignages diffusés via Facebook et Youtube le confirment, ce ne sont pas de prétendus terroristes du Jound Al-Cham ou du Fatah Al-Islam, soudain réapparus là où le régime en avait besoin, qui sont à l'origine des tirs, mais des membres des forces de sécurité. Ils ne l'ont pas fait sans en avoir reçu l'ordre. Si ce n'est pas Bachar Al-Assad qui le leur a donné, seul quelqu'un dans son entourage immédiat, pour ne pas dire au sein de sa famille, a pu prendre le risque de le faire dans son dos.

On ne peut exclure que le chef de l'Etat syrien, marchant résolument sur les traces de Mouammar Kadhafi, soit passé maître dans le recours au double langage, dans une tentative désespérée de se maintenir là où il a été placé il y a bientôt onze ans par ceux qui y avaient intérêt. L'autre hypothèse est que son frère, Maher Al-Assad, qui a la haute main sur l'armée, son cousin Rami Makhlouf, qui contrôle la vie économique en Syrie… et qui est justement le propriétaire du journal Al Watan, et son autre cousin Hafez Makhlouf, homme fort des services de sécurité à Damas, pour ne citer qu'eux parmi les membres de la famille et du clan au pouvoir, non intéressés par des changements qui affecteront leurs intérêts et leurs privilèges avant ceux du président, mènent contre lui une guerre de tranchée et cherchent à l'entraîner dans la voie de la répression.

Les manifestations du vendredi 25 mars et la réponse qui leur sera apportée par le pouvoir fourniront sans doute des éléments à ceux qui s'interrogent sur la réalité et l'étendue de l'autorité personnelle dont dispose encore Bachar Al-Assad sur son propre régime.

Ignace Leverrier, ancien diplomate, chercheur arabisant

source: Le Monde du 25/03/2011
 
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mardi 15 mars 2011

Mgr Béchara RAHI, Nouveau Patriarche des Maronites - La situation des maronites aujourd'hui au Liban

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Le synode des évêques maronites a élu l’actuel évêque de Byblos Béchara Rahi, Patriarche Maronite d’Antioche et de tout l’Orient.Il devient ainsi le 77 patriarche depuis St Jean-Maron(1er patriarche d’Antioche en 685).

Béchara Rahi est né le 25 février 1940 a été ordonné prêtre en 1967 pour devenir évêque en 1986.

Il succède ainsi au Patriarche Nasrallah Boutros Sfeir, qui avait présenté sa démission au Vatican, le 26 février dernier, indiquant avoir atteint la limite d’âge.

Mgr Béchara Rahi s’était notamment fait connaitre ses dernières années, dénonçant la division de la communauté chrétienne. « Au Liban, les chrétiens sont divisés au plan politique et confessionnel et personne n’a un projet acceptable par tous », avait-il déclaré, avant de déplorer que « cette division est causée par les conditions politiques actuelles, tant internes que régionales et internationales. »

« Il existe dans le monde arabe une forte division entre les sunnites et les chiites, apparente, sur le plan régional, dans la coalition, du côté sunnite, entre l’Arabie Saoudite, l’Égypte et la Jordanie, et du côté chiite entre l’Iran et la Syrie. Cette division s’est transformée en conflit sanglant entre les sunnites et les chiites en Irak. Sur le plan international, le conflit se situe entre les États-Unis et ses alliés en faveur des sunnites d’un côté, et l’Iran de l’autre à cause de ses ambitions régionales et de son programme nucléaire. Au Liban, c’est le conflit politique entre les chiites et les sunnites, où se situe la division des Chrétiens. Pour sauver le régime libanais et leur présence effective, une partie choisit l’alliance avec les sunnites, une autre avec les chiites et une troisième appelle à de bonnes relations avec les sunnites et les chiites et à ne pas se laisser entraîner dans la politique des axes régionaux et internationaux. »

Il poursuit en estimant que « le projet politique acceptable par tous consiste à parfaire l’État civil, dont les éléments se trouvent dans les « Constantes », la « Charte de l’action politique » et la Constitution. »

La principale mission du nouveau patriarche sera donc d’unifier les rangs des chrétiens du Liban, son prédécesseur ayant été accusé par certains partis dont le CPL de s’être discrédité en soutenant le 14 Mars.

Il s’était dernièrement fait connaitre dénonçant l’annulation par le gouvernement Saniora du jour férié accordé au lundi de Paques, contrastant avec le silence de l’ancien locataire de Bkerké. Certaines sources évoquent aussi les bonnes relations qu’entretiendrait le nouveau prélat avec le Vatican, relations qui auraient milité en sa faveur.

Pour rappel, Aujourd’hui l’Église maronite compte 23 diocèses et deux vicariats au Liban, en Syrie mais aussi dans le monde entier comme en Argentine ou en Australie. Le nombre de maronites est estimé à un peu plus de 3 millions.

source: lebnanews

Les Maronites au Liban 

Le quotidien "Le Monde des Religions", dans son numéro du 10 mars 2011, se penche sur la communauté maronite au Liban, son histoire mais surtout son rôle social et politique, par cette interview de Ray Mouawad, professeur à l'université libanaise américaine de Beyrouth et spécialiste des maronites. Propos recueillis par Matthieu Mégevand.



Quelle est la situation des maronites aujourd'hui au Liban tant au niveau social que politique?

Les lignes de force des maronites au Liban tenaient à trois composantes:

Premièrement, leur prépondérance dans le système politique libanais, au sein duquel la présidence de la République revenait toujours à un maronite, et jouissait de prérogatives étendues (à l’instar du président de la République française). Le président nommait le Premier ministre. Le chef de l’armée était toujours maronite. Toutefois après les accords de Taëf, la prépondérance des maronites dans la structure politique de l’État libanais a été largement écornée, en dépit du fait que le président de la République et le chef de l’armée sont toujours maronites. Le pouvoir a été transféré au gouvernement dont le chef, toujours sunnite, exerce effectivement le pouvoir.

Le deuxième point fort de la situation des maronites au Liban avait trait à leurs institutions éducatives (écoles et universités), hospitalières, et centres sociaux (enfance, vieillards, orphelinats), répandues dans tout le pays et très appréciées par les autres communautés du Liban. Ces institutions sont aux mains de l’Église, et des ordres monastiques maronites très puissants et très organisés.

Troisièmement, leur force résidait enfin dans leur classe moyenne très impliquée dans le secteur bancaire, dans celui de l’industrie et du commerce. Paysans pendant longtemps, les maronites se sont urbanisés à partir du XIXe siècle. Leur émigration à Beyrouth leur a donné accès à la ville et à sa dynamique économique. Avant la guerre libanaise (1975) la bourgeoisie maronite, et plus généralement chrétienne, a sans conteste formé l’élément moteur de la prospérité économique du Liban.

De ces trois composantes, seule la deuxième, leurs institutions, reste de nos jours le point fort de la présence des maronites au Liban. Leur pouvoir politique a beaucoup diminué après la fin de la guerre civile, et leur classe moyenne, celle de tout le Liban, peine à se reconstituer.

Comment les maronites vivent-ils le fait de ne plus être aujourd'hui dans une position démographique dominante?

Ils cherchent aujourd’hui à compenser leur infériorité démographique par l’intégration de leurs communautés émigrées dans le monde dans le système politique libanais. Les partis politiques maronites et les associations maronites internationales travaillent d’arrache-pied pour accorder la nationalité libanaise aux émigrés qui l’ont perdue, ou négligé de la maintenir pour leurs descendants. L’une des principales revendications des partis maronites aujourd’hui est d’accorder le droit de vote aux Libanais qui sont à l’étranger. Jusqu’à maintenant, les Libanais qui sont à l’étranger ne votent pas (cela est toutefois prévu pour les prochaines élections parlementaires).

Quelles sont les élites politiques représentatives des maronites?

La grande famille des Gemayel, et le parti Kataëb, représentent les maronites au sein du mouvement du 14 Mars. A leurs cotés on trouve les Forces libanaises, et leur chef, Samir Geagea. Dans l’autre camp, le 8 Mars, les maronites sont représentés par le parti du général Michel Aoun, et par Sleimane Frangié.

Comment est perçue l'alliance entre Michel Aoun et le Hezbollah?

Pour les partisans du général Aoun, cette alliance représente une garantie de survie pour les maronites et autres chrétiens du Liban, avec un parti de plus en plus puissant localement et sur le plan international. Pour les autres, l’alliance de Aoun avec le Hezbollah va à la longue réduire les maronites à un statut de "dhimmisation", dans la mesure où le vrai décideur est le Hezbollah, les maronites devenant un auxiliaire et une "communauté alibi". Le Hezbollah est par ailleurs perçu comme le principal vecteur d’un retour de l’influence syrienne au Liban. Le retournement de Michel Aoun qui avait gagné sa popularité en combattant cette influence syrienne, demeure pour beaucoup inexplicable, et sa popularité au sein des maronites en a grandement pâti.

Quels rapports entretiennent les maronites avec les autres communautés, et plus spécialement avec les chiites et les sunnites?

Ce rapport dépend du camp dans lequel se trouvent les maronites, 14 Mars (sunnites) ou 8 Mars (Hezbollah). Samir Geagea a fait d’énormes efforts pour effacer auprès des sunnites son passé de seigneur de la Guerre, tout comme les Kataëb, en maintenant tout de même la ligne nationaliste libanaise qu’ils ont toujours défendue. Le grand écueil du Liban était le problème palestinien, que ces deux partis ont combattu pendant la guerre civile en même temps que l’occupation syrienne.

Les sunnites ont beaucoup aidé à ce rapprochement aussi, surtout depuis leur engagement ferme auprès de l’armée libanaise contre les extrémistes (sunnites) de Nahr el-Bared. Saad Hariri a par ailleurs mené une politique très pro-chrétienne, et proclame constamment que la parité islamo-chrétienne sera toujours respectée au Liban, quelle que soit le nombre des chrétiens.

Les maronites du 8 Mars sont persuadés en retour que l’alliance maronito-sunnite scellée en 1943 est bien morte, et que les chiites ayant été persécutés comme les autres minorités en Orient, seront un partenaire bien plus conciliant avec les chrétiens que les sunnites. En général aujourd’hui au Liban, les maronites sont partagés à égalité entre les deux camps, qui sont de plus en plus polarisés.

Les maronites sont-ils très croyants, soudés comme le peuvent être les chiites du Hezbollah par la religion?

Oui, ils sont très croyants et pratiquants. Les églises sont pleines, et les vocations nombreuses. Ils n’ont cependant pas les mêmes réflexes de solidarité que les chiites du Hezbollah. Peut-être est-ce dû à leur culture chrétienne, qui les ouvre immanquablement à celle de l’Occident et à des valeurs individualistes et fondamentalement indépendantes, alors que la culture chiite est irrésistiblement attirée par l’Iran. Maronites et chiites obéissent, je crois, à deux logiques communautaires différentes.

Quel avenir envisagez-vous pour les maronites?

Ils ont été porteurs d’un projet politique exceptionnel au Moyen Orient, le Liban. Ils ont en gros constitué avec les musulmans un pays géré conjointement, ce qui aurait été impensable dans un autre pays arabe. S’ils ont perdu la guerre, les maronites tentent tout de même de sauver la mise avec un acharnement qui prouve qu’ils ne sont pas morts. Je crois que leur avenir dépend de la pérennité de leurs institutions au Liban et à l’étranger, qui comme toujours doivent être ouvertes à tous, chrétiens et musulmans. Ils doivent également éviter à tout prix un affrontement sunnite-chiite au Liban, et je pense qu’ils constitueront un élément liant, qui a tant manqué en Irak, entre les différentes communautés.

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dimanche 13 mars 2011

Pays Arabes: Le temps des incertitudes

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Les initiatives américaines et européennes ont été conçues pour les Arabes en dehors des Arabes et en grande partie contre leurs intérêts.

Depuis la Nahda («renaissance»), un mouvement moderniste né au XIXe siècle, au moment où l'Empire ottoman amorçait son déclin, en passant par le panarabisme, les pays arabo-musulmans, dominés par l'Occident, naviguent à vue, dans l'incapacité de choisir un modèle social conforme à l'évolution du monde et leur donnant les moyens de leur émancipation et de leur développement pour entrer dans la modernité sans perdre leur spécificité: un exercice difficile, mais possible et nécessaire.

Le résultat de ces ratés de l'histoire est dû au fait que ces pays arabes vivent une dualité, identité et modernité, qu'ils doivent impérativement maîtriser. Ils peuvent le faire sans perdre leur âme. Ils doivent le faire car ils ne peuvent rester en marge de la marche du monde. Les peuples l'ont compris, les dirigeants ne donnent pas cette impression.

Il est incontestable que ce qui se passe actuellement dans certains pays comme la Tunisie ou l'Égypte procède d'une véritable aspiration des peuples à la dignité et à la liberté, afin que chaque individu puisse vivre pleinement sa citoyenneté et développer sans entraves son génie ou ses dons au service de la communauté. Peut-on dire, pour autant, que ceci est le début de la marche des pays arabes vers la modernité? Il est prématuré de répondre à cette question. Outre que ces pays ont une dualité à maîtriser - identité et modernité -, ils rencontrent des obstacles qui entravent leurs aspirations: Palestine occupée, Irak menacé de division, Soudan divisé, Afghanistan, Iran, terrorisme, embargos déclarés ou non, menaces, sans oublier les régimes despotiques entretenus par l'Occident pour garantir ses intérêts.

On peut ajouter le comportement arrogant de l'Occident qui a pris la fâcheuse habitude - devenue une seconde nature - de décider pour et à la place des pays arabes qu'il fait semblant de consulter. C'est ainsi que les néo-conservateurs américains ont décidé de démocratiser l'espace arabo-musulman par le fer et le feu sous prétexte de lutter contre le terrorisme et les armes de destruction massive. La Middle East Partnership Initiative (Mepi) ou Initiative du Partenariat pour le Moyen-Orient, annoncée le 12 décembre 2002 par le Département d'État fut approfondie par la Great Middle East Initiative (Gmei) connue aussi sous le sigle GMO ou Grand Moyen-Orient, annoncée par Bush le 26 février 2003, juste avant la 2e guerre d'Irak et confirmée en mai 2003, juste après l'occupation de l'Irak. Elle concerne un espace arabo-musulman allant de l'Atlantique à l'Asie centrale. On connaît l'échec cuisant de ces initiatives et leurs conséquences désastreuses sur la paix et la sécurité des peuples concernés.

L'Europe n'est pas restée inactive et a été aussi de sa potion magique. Devançant même les Etats-Unis. Elle a mis en place, successivement, deux instruments en direction de la rive Sud de la Méditerranée:

Le Processus de Barcelone lancé en 1995, fut un échec pour de multiples raisons: tendance de l'Europe à traiter ses partenaires du sud de la Méditerranée en mineurs ou même en supplétifs pour servir ses seuls intérêts: lutte contre l'immigration illégale et le terrorisme, aménagement d'un grand marché pour ses produits, garantie de ses approvisionnements énergétiques. Il y avait aussi la volonté de contrôler politiquement une région proche et donc importante pour sa sécurité, sans se soucier des intérêts de ladite région. Devant tant d'égoïsme, le Processus a fini par se fracasser sur l'écueil palestinien. Dix ans après son lancement, son enterrement a eu lieu à l'occasion d'un sommet boycotté par tous les chefs d'État arabes.

Des initiatives conçues pour les Arabes sans les Arabes

L'Union pour la Méditerranée, lancée par Sarkozy en pleine campagne électorale, dans l'improvisation - un trait qui caractérise depuis la diplomatie française -, n'a fait illusion qu'aux yeux de ses concepteurs et s'est vite transformée en véritable fiasco. Souffrant des mêmes tares que le Processus de Barcelone, cette initiative comportait un agenda non acceptable pour les Arabes - l'intégration sans frais d'Israël dans le giron régional -, et non acceptable aussi pour la Turquie - un succédané à son intégration dans l'Europe, une demande qui dure depuis une quarantaine d'années -.

Les initiatives américaines et européennes ont été conçues pour les Arabes en dehors des Arabes et en grande partie contre leurs intérêts. Ils l'ont été en faisant fi des peuples car l'Occident s'est endormi dans le confort que lui procuraient des autocrates dociles car lui devant leur maintien au pouvoir. Dociles et âgés: le tandem qui conduisait la Ligue arabe, jusqu'à la révolution de la place Tahrir, était composé de Hosni Moubarak (82 ans) et Abdallah ben Abdelaziz Al Saoud (86 ans). L'âge moyen des principaux dirigeants arabes déjà évincés ou menacés tourne autour de 78 ans. Par comparaison, on est dans une moyenne de 50 ans dans les pays occidentaux. Ajoutons l'usure du pouvoir pour certains: à Bahreïn, la famille des Khalifat règne depuis 230 ans et le Premier ministre, oncle du roi, est au pouvoir depuis 42 ans, El Gueddafi depuis 42 ans, Ali Abdallah Saleh a dépassé les 30 ans et Moubarak et Ben Ali les 20 ans. Par comparaison encore, les dirigeants occidentaux et pas seulement, ont une duré de vie de plus en plus courte.

Les événements qui ont eu lieu ces derniers mois, notamment en Tunisie et en Égypte, n'étaient pas considérés comme inéluctables et n'avaient été prédits par aucune source gouvernementale ou non-gouvernementale bien que les éléments objectifs communs à tous les pays invitaient à un bousculement de l'ordre établi: les jeunes sont largement majoritaires, plus éduqués que l'ancienne génération, plus tournés vers l'avenir, la modernité et l'extérieur, ils sont les plus frappés par le chômage, les plus marginalisés, ne sont pas consultés, s'estiment exclus; les changements sociaux induits par l'éclatement de la famille et donc la cassure de la cohésion sociale; la globalisation a transformé le monde en village planétaire grâce aux développements des technologies de l'information et de la communication (chaînes satellitaires, Internet et réseaux sociaux); la censure, mal supportée, est devenue inopérante; amélioration du niveau de vie, élargissement des élites grâce à l'instruction entraînant l'aspiration à plus de liberté et de démocratie, plus de liberté d'expression, un plus grand droit de regard sur l'emploi des deniers du pays (corruption), ce qui heurte de front l'autoritarisme de certains régimes; beaucoup de pays subissent la menace terroriste et leurs régimes se présentent comme des remparts contre l'islamisme politique, y puisant une nouvelle légitimité aux yeux de l'Occident.

Après une révolution, un nouveau pouvoir

D'autres éléments sont propres à chaque pays: La Tunisie, atelier de l'Europe, souffre depuis deux ans d'une crise économique qui a rendu insupportable et mis à nu le comportement de certains milieux corrompus liés au pouvoir. L'armée a gardé sa neutralité ce qui lui permet aujourd'hui d'être la gardienne de la transition en cours dont l'issue reste encore largement incertaine.

En Égypte, le clan Moubarak n'a rien à envier à celui de Ben Ali. L'armée, en tant qu'institution, est largement impliquée dans la sphère économique. Elle a toujours constitué l'assise du système depuis la révolution des officiers libres en 1952. Elle a fait trois guerres (1956, 1967, 1974). Elle a gardé la confiance du peuple, ce qui lui permet aujourd'hui de conduire la transition, un exercice à haut risque. La Libye est un non-Etat: pas de Constitution, pas de codification des institutions, division du pays en tribus, marginalisation de l'armée au profit des bataillons de sécurité commandés par les enfants d'El Gueddafi. Le Yémen est en proie à la violence terroriste, aux affrontements dans le Nord entre les troupes gouvernementales et les rebelles Zaydistes qui veulent rétablir le régime monarchiste aboli en 1962 et à la cassure Nord-Sud non encore résorbée depuis les années 1980. Ce pays est devenu un terrain d'affrontement entre l'Iran qui soutient les Zaydites, et l'Arabie Saoudite.

Donc, aux côtés d'éléments communs, il y a des éléments contingents qui diffèrent d'un pays à un autre et qui sont déterminants dans le déclenchement des soulèvements populaires. C'est pourquoi, l'effet domino tant ressassé par les «experts», n'est pas une fatalité. Par contre, les changements politiques sont inévitables. Selon les pays, ils prendront la forme de révolutions (changements radicaux) ou de réformes intervenant à plus ou moins long terme.

L'Histoire nous enseigne qu'une révolution commence par le renversement brutal du régime en place. Ce faisant, elle, crée un vide qui met un temps plus ou moins long pour être comblé. Comme un tremblement de terre, une révolution est suivie de répliques plus ou moins fortes qui peuvent aussi être dévastatrices. Sans vouloir comparer, rappelons trois précédentes révolutions:

La Révolution française de 1789 fut une alternance de troubles internes et de guerres jusqu'à la proclamation de la 2e République en 1870. La Révolution bolchévique de 1917 fut suivie d'une guerre civile et de purges qui marquèrent des générations. La Révolution iranienne de 1979 eut aussi son lot d'atrocités et continue de «manger ses hommes» à ce jour. Après une révolution, la nature du nouveau pouvoir ne peut pas être prévue ou garantie. C'est pourquoi, l'issue des bouleversements en cours dans certains pays arabes est incertaine. La Tunisie et l'Égypte sont encore au tout début d'un processus qui sera long et hasardeux. Il pourrait déboucher sur un système démocratique et constituer l'amorce d'un printemps démocratique dans l'espace arabo-musulman, comme il pourrait accoucher d'un autre système autoritaire ou même totalitaire. Quant à Libye, elle pourrait éclater en deux ou trois États, après une guerre civile meurtrière et destructrice: Cyrénaïque à l'est, Tripolitaine au nord-est et Fezzan au sud-est. La division tribale de la société libyenne accrédite cette thèse. La répartition des richesses pétrolières qui aiguise les appétits aussi.

Hocine MEGHLAOUI

Ancien diplomate

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jeudi 10 mars 2011

LIBAN : Hariri veut un État de libertés et laïc

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Hariri veut un État de libertés et laïc

« Le Liban que nous souhaitons est celui qui n'établit pas de distinction entre un individu et un autre, un État libre et civil anticonfessionnel et antisectaire au sein duquel chaque Libanais se soumet aux lois ».

source :L'OrientleJour du 10 Mars 2011

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dimanche 6 mars 2011

Pourquoi les Etats-Unis tardent-ils à intervenir en Lybie? Vers un nouveau paysage des pays arabes!

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Tapez sur la carte pour l'aggrandir

Pourquoi les USA laissent-ils la Lybie aller vers une guerre civile et tardent à réagir? Parce qu'il faut craindre des partitions des pays arabes: 2 Soudan ( Sud-Nord) , 2 Lybie ( Est-Ouest ); 2 Yémen ( Sud-Nord), 2 Irak + 1 Etat Kurde, puis 2 Liban etc... Diviser pour régner les pays arabes et pétroliers . Ce qui fait le jeu d'Israël et des Etats-Unis . A méditer!!

Une lecture des évènements dans les pays arabes sera prochainement publiée sur ce blog. A suivre...
Jean-Marc Aractingi, Diplomate
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vendredi 4 mars 2011

La révolution Facebook: le printemps arabe et le futur politique des réseaux sociaux

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La révolution Facebook: le printemps arabe et le futur politique des réseaux sociaux

La révolution en Tunisie et la chute du président égyptien Hosni Moubarak ressemblent aux bouleversements politiques observés dans le passé, sauf sur un point: le rôle clé joué par les réseaux sociaux. Facebook, en particulier, autrefois considéré comme un passe-temps high-tech pour adolescents désoeuvrés, apparaît désormais comme un outil politique de premier ordre. Pourquoi les réseaux sociaux ont-ils été si utiles aux manifestants tunisiens et égyptiens? Comment ces outils seront-ils utilisés par la suite? Vont-ils vraiment changer le monde?

Dans les pays les plus avancés sur le plan technologique, les hommes politiques se sont déjà emparés des outils internet avec grand profit – l’exemple le plus connu en est la levée de fond de Barack Obama pour la campagne présidentielle de 2008, qui a atteint près de 750 millions de dollars, dont beaucoup récoltés en ligne –, mais la révolution tunisienne et, en Egypte, les manifestations qui ont entraîné la chute du président Hosni Moubarak montrent que les réseaux sociaux sont, sur le plan politique, beaucoup plus puissants qu’on ne l’imaginait auparavant.

Les révolutions naissent avec les moyens du bord, et selon les spécialistes de l’Afrique du nord, pour les Tunisiens et les Egyptiens, un certain nombre de circonstances particulières ont fait des réseaux sociaux, et en particulier de Facebook, une arme de premier choix.

D’abord, parce que les citoyens de ces deux pays apprécient le web en tant que source d’information non censurée. Le gouvernement tunisien surveillait de près l’utilisation d’internet et a tenté de limiter l’accès à de nombreux sites, mais beaucoup de gens sont arrivés à contourner ces restrictions grâce à des combines permettant de cacher leur identité aux employés du gouvernement, explique Nejib Ayachi, président du Centre sur le Maghreb, un think tank centré sur l’Afrique du Nord à Washington.

En Egypte, les gens comptent sur internet pour avoir accès à des points de vue non censurés. Bien que le pays compte beaucoup de chaînes de télévisions et de journaux indépendants, il y avait toujours « des lignes rouges que vous ne pouviez franchir », explique Dalia Wahba, associée et directrice de la communication et du développement de CID Consulting, un cabinet de conseil spécialisé dans la communication et le développement de réseaux basé au Caire. Mais sur le net, « il n’y avait aucune ligne rouge », dit-elle. « Tout le monde était libre de dire ce qu’il voulait ». Sans surprise, les nouvelles concernant les évènements locaux et les commentaires se multiplièrent sur les blogs, au nombre de 40 000 selon des estimations.

Dans les deux pays, Internet touche un large public. La plupart des autorités estiment que 3,6 millions des 10,5 millions de Tunisiens sont connectés. En Egypte, sur 80 millions d’habitants, 17 millions, soit plus de 20 % de la population, le sont également. Ironie du sort, quand on connait les évènements récents, selon Dalia Wahba le gouvernement égyptien subventionnait l’accès internet, y voyant un vecteur important du développement économique.

Enfin, les réseaux sociaux permettent d’appréhender clairement la composition de ce public. En Egypte en tout cas, beaucoup des internautes les plus assidus sont jeunes, et comme d’autres jeunes un peu partout, ils sont pleinement entrés dans la dynamique des réseaux sociaux. Environ 5 millions d’Egyptiens sont sur Facebook – soit une multiplication par près de cinq en deux ans – et 58 % d’entre eux ont moins de 25 ans, d’après l’agence de relations publiques Spot On, basée à Dubaï.

Facebook est aussi populaire en Tunisie. Bien que le gouvernement ait piraté le site et tenté de s’emparer des mots de passe, les groupes de personnes exprimant leur mécontentement face au gouvernement de Ben Ali ont continué à grossir au fil du temps. Non seulement ces réseaux avaient une utilité en termes d’information, explique Nejib Ayachi, mais ils ont aussi fait naître chez ces personnes un sentiment d’appartenance collective.

Les réseaux de télécommunications mobiles ont également aidé les gens à communiquer. Nejib Ayachi rappelle qu’en Tunisie, presque tout le monde a un portable. En Egypte, selon des chiffres du gouvernement, plus de 56 millions de personnes, soit 70 % de la population, en sont également équipées.

Avec l’audience massive rassemblée par les blogs politiques et les pages Facebook, les manifestations sont devenues faciles à organiser. Un seul incident – l’immolation par le feu d’un vendeur de fruits et légumes poussé au désespoir en Tunisie, et l’exemple de la triomphante révolte tunisienne pour les Egyptiens –, et une réaction quasiment instantanée s’est mise en marche. En Egypte, certains bloggeurs et leaders du mouvement sur Facebook ont commencé par appeler à une marche le 25 janvier – des manifestations qui se sont ensuite transformées en révolte nationale. « Facebook a joué un rôle critique », assure Dalia Wahba.

Les prochains rendez-vous de la révolution

Les réseaux sociaux pourraient-ils jouer le même rôle subversif dans d’autres pays pauvres où un régime autoritaire est en place ? Les mêmes ingrédients – un grand nombre de personnes connectées, et joignables sur leurs mobiles lorsqu’elles ne le sont pas – sont, à coup sûr, présents dans de nombreux pays. Jared Cohen, ancien expert des réseaux sociaux auprès du département d’Etat américain et aujourd’hui à la tête de Google Ideas, cette nouvelle entité décrite pas les dirigeants de Google comme un « lieu de réflexion et d’action », notait récemment qu’aujourd’hui 5 milliards de personnes sont équipées d’un portable et 2 milliards utilisent internet.

Dans de nombreux pays en développement, les internautes partagent l’enthousiasme des Tunisiens et des Egyptiens pour Facebook. Les taux d’adoption des réseaux sociaux y sont extrêmement élevés. Contrairement à d’autres évolutions radicales qu’ont connues les télécommunications par le passé, et qui tendaient à avoir lieu d’abord dans les pays riches pour ensuite se propager aux pays pauvres, les réseaux sociaux semblent se répandre rapidement partout – et peut-être même plus vite dans les pays en développement. Au 10 décembre 2010, le deuxième marché de Facebook après les Etats-Unis était l’Indonésie, avec 32 millions d’utilisateurs, suivi du Royaume-Uni. La Turquie, les Philippines, le Mexique et l’Inde figuraient aussi dans les dix premières places.

Certains gouvernements ont cependant déjà entrepris de neutraliser le potentiel des réseaux sociaux en tant qu’outils politiques. En Chine par exemple, Facebook est bloqué par le système de sécurité que certains facétieux nomment la Grande Muraille Numérique de Chine, et les services les plus populaires dans le pays, comme Renren (qui signifie « tout le monde » en chinois et rassemble 160 millions d’abonnés) seraient étroitement surveillés.

L’intérêt officiel porté à l’activité des utilisateurs n’est d’ailleurs pas l’apanage des gouvernements non démocratiques. Aux Etats-Unis, l’administration Obama cherche à s’arroger le droit de saisir auprès d’une entreprise les données concernant l’activité d’un individu sur internet sans mandat judiciaire, si des enquêteurs fédéraux pensent y trouver un élément utile concernant une affaire de terrorisme.

Mais dans une certaine mesure, le concept des réseaux sociaux semble être si bien implanté qu’un accès internet pourrait ne même plus être nécessaire. Par exemple, après que le gouvernement a coupé internet en Egypte, certains utilisateurs ont basculé vers le système permettant d’utiliser Twitter grâce à une reconnaissance vocale, mis en place par Google.

D’un autre côté, certaines inquiétudes des utilisateurs pourraient limiter l’impact des réseaux sociaux les plus importants. La volonté des dissidents de garder l’anonymat (ce que Facebook, actuellement, ne permet pas) pourrait limiter leur valeur en tant qu’outil de mobilisation des masses. Les Frères musulmans par exemple, un important mouvement d’opposition officiellement interdit en Egypte, ont déjà lancé leur propre version de Facebook, www.ikhwanfacebook.com.

Les réseaux sociaux eux-mêmes pourraient aussi être confrontés à des problèmes complexes concernant la liberté de parole, les rendant peu accueillants pour les utilisateurs dont les opinions ne sont pas très populaires. Confronté à des demandes en ce sens, Facebook a eu par exemple beaucoup de mal à décider jusqu’où il devait aller dans la censure de pages créées par des groupes négationnistes. Lorsque Facebook deviendra une compagnie cotée en bourse, de telles pressions ne pourront que s’accentuer. Comme le résumait le slogan du film « The Social Network », « On ne peut pas avoir 500 millions d’amis sans se faire quelques ennemis ».

Certains, et en particulier Malcolm Gladwell, du New Yorker, affirment aussi que les liens superficiels tissés à travers les réseaux sociaux font moins pour l’activisme social que les liens puissants forgés entre activistes engagés prêts à mourir pour leur cause. « Les réseaux sociaux sont efficaces pour augmenter la participation – en diminuant le niveau de motivation nécessaire pour participer », écrit-il.

Mais sur le site AlterNet, Jeremy Brecher et Brendan Smith affirment que Gladwell ne comprend pas la vraie nature des réseaux sociaux. « Comparer Twitter à la NAACP (organisation historique de lutte pour les droits civiques des afro-américains, ndlr) revient à comparer un téléphone à une association de parents d’élèves. Ce ne sont pas les mêmes objets, ils n’ont pas la même fonction et par conséquent leur efficacité ou leur inefficacité ne peut tout simplement pas être comparée », expliquent-ils.

Quant à la critique portant sur la superficialité présumée des liens, écrivent-ils, la comparaison avec les sites de rencontres en ligne serait plus judicieuse, dans le sens où les réseaux sociaux peuvent aider des activistes aux opinions similaires à entrer en contact. En soi, ils ne font que mettre en relation des partenaires potentiels « mais dans les faits, ils ont mis en relation de nombreuses personnes qui se sont ensuite mis en couple et mariés ».

Une révolution d’un genre différent

Même si les gouvernements, les utilisateurs et les investisseurs ont un impact négatif sur le potentiel politique des réseaux sociaux, ces derniers semblent au moins fortement susceptibles de déclencher d’autres types de révolutions, scientifiques et techniques, qui pourraient être des éléments de rupture tout aussi fondamentaux sur le long terme.

« Quelque part sur la toile, vous savez qu’il y aura une autre personne ayant les mêmes points d’intérêts que vous », explique Inge de Waard, chercheuse spécialiste de l’e-learning à l’Institut de médecine tropicale d’Anvers, où elle aide des instituts partenaires en Equateur, en Inde, au Maroc et ailleurs à mettre en place des programmes d’e-learning. « Même dans la recherche, les gens n’ont pas envie de devoir attendre les prochaines publications d’articles pour pouvoir discuter d’un sujet – ils ont envie d’en discuter au moment où ils entament leur recherche. Pour ça, les réseaux sociaux sont le meilleur moyen de se mettre en relation avec des confrères, quel que soit le sujet concerné ».

Aujourd’hui les gens utilisent les outils de type réseaux sociaux pour tout un tas d’autres projets, explique-t-elle, citant en exemples Ushahidi, un projet africain de journalisme citoyen, et l’Université Virtuelle Africaine. La mise en réseau est même en train de changer la manière dont les personnes font face à une crise : en Haïti, juste après le séisme de l’an dernier, les gens se sont mis à utiliser les réseaux sociaux pour communiquer sur leurs besoins et s’organiser, raconte-t-elle.

Finalement, résume Inde de Waard, si les réseaux sociaux ont prospéré si rapidement c’est qu’ils satisfont trois besoins fondamentaux de l’être humain : communiquer, apprendre et se sentir membre d’une communauté. Avec trois leviers comme ceux-là pour expliquer leur adoption, elle assure qu’il n’y a rien d’étonnant à voir les réseaux sociaux tisser si rapidement leur toile dans le monde entier.

En Afrique du Nord en tout cas, les réseaux sociaux sont clairement partis pour durer. Economiques, pratiques et plus efficaces pour former des communautés virtuelles que les modes de communications précédents, les réseaux sociaux ont de fortes chances de rester dans le paysage lorsque les mouvements de révolte s’achèveront. « Je pense qu’ils continueront à les utiliser », déclare Nejib Ayachi, du Centre sur le Maghreb. « Ils y sont accros ».
 
source: ParisTech Review / Rédaction / February 28th, 2011

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mardi 1 mars 2011

Côte d'Ivoire : L'asphyxie financière sur Gbagbo aura-t-elle lieu?

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L’asphyxie financière sur Gbagbo aura-t-elle lieu?

Malgré les discours et les pressions internationales, la vérité est qu’aucun pays ouest-africain n’a intérêt à soutenir l’emploi de la force en Côte d’Ivoire. Une intervention militaire, fût-elle légitime, serait désastreuse pour l’ensemble de la sous-région des points de vue économique, humanitaire et sécuritaire. L’instabilité née des déplacements de populations ferait le lit des mouvements extrémistes. Devant ces enjeux, la stratégie dite de la raison consiste désormais à asphyxier financièrement Laurent Gbagbo pour l’empêcher d’honorer ses engagements, et de survivre…

Par Guy Gweth ( CEDS) pour Diplogeostratégies

Les plus pacifistes des stratèges pro-Ouattara et un nombre non négligeable d’analystes, de Bruxelles à Bretton Woods, tablent sur le fait que les conséquences d’une asphyxie financière de Laurent Gbagbo produiront fatalement l’effet final recherché. Aujourd’hui : augmentation des prix des denrées alimentaires et licenciements de personnels ; demain : cessation d’activités pour de nombreuses entreprises et non paiement des salaires de fonctionnaires. Au final, « quand ses propres partisans en auront marre, ils descendront dans la rue comme les Tunisiens pour chasser Gbagbo », nous a confié une source diplomatique africaine basée à Bruxelles.
Rappelons que le 15 janvier 2011, les 27 pays membres de l’Union européenne ont rendu effectif le renforcement des sanctions contre Laurent Gbagbo et 84 de ses partisans. Outre l’interdiction de visas pour les personnalités ciblées, ces sanctions visent essentiellement le gel de leurs avoirs européens et ceux de 11 entités économiques parmi lesquelles: la radio télévision ivoirienne (RTI), la société de raffinage (SIR), la société énergétique (SOGEPE), le port d’Abidjan, ainsi que trois banques.
Cette décision est intervenue une semaine après celle du Trésor américain de geler les avoirs de Laurent Gbagbo et quatre de ses proches aux Etats-Unis; mais une grande partie des fonds visés avait déjà été transférée vers d’autres destinations. « Souvent les Occidentaux se trompent parce que le monde ne s’arrête pas à l’Europe. Le monde ne s’arrête pas à l’Amérique. Aujourd’hui, le monde est devenu multipolaire », a déclaré Ahoua Don Mello, porte-parole de Laurent Gbagbo, à l’agence Reuters le 15 janvier avant d’ajouter : « si on peut se passer de la France, on peut se passer des Etats-Unis. On peut aussi aller ailleurs pour faire face à nos engagements. »
Aujourd’hui, les engagements financiers de Laurent Gbagbo se limitent stratégiquement à payer les salaires de l’armée, de la gendarmerie, de la police et de la haute administration d’Etat (environ 75 à 100 millions USD/mois selon les estimations), et en aucun cas à éponger les dettes du pays. D’après nos sources à Abidjan, les bons chiffres du cacao ont donné l’idée au camp Gbagbo de demander aux exportateurs de s’acquitter de leurs taxes à l’avance et en espèces. Les hommes d’affaires locaux sont instamment invités à participer à l’effort de guerre. Les banques locales sont encouragées à acquérir des obligations du gouvernement et à payer argent comptant. Malgré les sanctions, son gouvernement continue d’avoir accès aux comptes de la banque centrale des Etats d’Afrique de l’ouest (BCEAO).
Evaluées à près de deux milliards USD, les exportations de pétrole contrôlées via la société d’Etat PETROCI constituent l’un des derniers grands espoirs de survie pour le régime de Laurent Gbagbo. « Mais pour combien de temps encore ? » s’interroge notre source diplomatique.

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