samedi 28 février 2015

Haïti : Un entretien avec Onel Maignan, premier secrétaire du Parti ouvrier socialiste haïtien (POS), Candidat à la Présidence de Haïti, Ancien du Centre d'Etudes Diplomatiques et Stratégiques de Paris

Web Counter


Haïti : Paix ! Démocratie !


Repères

Comment Haïti a fondé  la première  république noire  au monde, en 1804
L’indépendance d’Haïti a été conquise le 1er janvier 1804. Une authentique république au service du peuple haïtien fut alors  constituée. Le principal acteur de cette révolution fut Jean-Jacques Dessalines, qui avait pris la  direction de la guerre d’indépendance après l’arrestation de  Toussaint Louverture en 1802.
La république  et la souveraineté d’Haïti  ont été foulées aux pieds par deux siècles d’occupations et de dictatures
Depuis son indépendance, les puissances esclavagistes se sont coalisées pour mettre Haïti en  quarantaine. Elles ont également utilisé des forces organisées à l’intérieur du jeune Etat pour comploter contre lui, avec par exemple l’assassinat par les mulâtres de Jean-Jacques Dessalines le 17 octobre 1806, deux ans seulement après la proclamation de la république. A partir de cette date jusqu’à aujourd’hui, l’Etat haïtien a connu une instabilité chronique, entrecoupée de périodes un peu moins chaotiques. Lorsqu’une dictature s’installe, celle de Duvalier comme tant d’autres, une certaine stabilité est alors instaurée pour les couches  dominantes, pour une élite, mais avec comme conséquence, le bâillonnement du peuple,  l’absence totale de liberté et une  répression sanglante.

Trente années de dictature  de François Duvalier,  de 1957 à 1986.
La dictature Duvalier soutenue par les Etats-Unis a été l’une des plus féroces qu’ait connues Haïti dans son histoire. Cela a été la répression systématique, les  exactions des « tontons macoutes », milices sanguinaires aux ordres du dictateur. Cela a été l’exil forcé des cadres haïtiens et des militants à l’étranger, l’exclusion du peuple de tous droits, même les plus élémentaires. Le nombre de morts entraînés par cette  dictature sanguinaire est  inimaginable.

Haïti est considéré aujourd’hui comme l’un des pays les plus pauvres au monde, alors qu’il y a deux siècles, on l’appelait la « perle des Antilles ». Comment cela est-il possible ?
Tout d’abord, je tiens à remercier Informations ouvrières de m’avoir donné l’opportunité d’exposer mon point de vue et celui de mon parti sur la situation de mon pays.
Nous autres, du Parti ouvrier socialiste haïtien, sommes opposés à ce vocable selon lequel Haïti serait un des « pays les plus pauvres » au  monde… comme si c’était une fatalité !
Les ressources de notre pays ont été pillées par des régimes corrompus avec la complicité des puissances esclavagistes. On sait très bien que ce sont les plans d’ajustement structurel successifs mis au point par la Banque mondiale et le FMI, y compris sous le régime d’Aristide, qui ont dévasté notre pays. C’est le dernier de ces plans qui a privatisé les télécoms, le ciment, la minoterie, l’usine sucrière…, et qui a mis 52 000  travailleurs au bord du chemin. Voilà un des  désastres organisé par le régime d’Aristide.
Sur le plan sanitaire, rien n’a été fait sous le régime d’Aristide, les aides ayant été détournées par le régime pour rejoindre les coffres de banques en Suisse, au Luxembourg, etc. Aujourd’hui, 95 % de la population haïtienne est au chômage ou n’a pas un vrai travail, le reste étant dans l’économie informelle. Haïti, qui a 9 millions d’habitants, est un pays en faillite, nous sommes dans un état de déliquescence absolue.
 Quel point de vue portes-tu sur l’ancien président Aristide et son action ?
Pour moi, il y a deux Aristide. Il y a le Jean-Bertrand Aristide que j’ai soutenu, celui de 1990, quand le peuple haïtien l’a emmené  triomphalement au pouvoir. Cet Aristide-là était pour moi un révolutionnaire au service du  peuple et de la nation haïtienne tout entière. Le second Aristide, c’est celui qui est devenu le fils spirituel de l’impérialisme américain. Et cet Aristide-là a commis les mêmes exactions que le régime de Duvalier. Par exemple, les  détournements de fonds, les assassinats, plus particulièrement d’étudiants, les exécutions sommaires, etc. Cet Aristide-là au service des Américains a perdu la confiance du peuple.

A quel moment s’est constitué le parti dont tu es le secrétaire, le POS ?
Notre parti a existé bien avant la fin de la  dictature. Pour ma part, j’ai commencé à militer contre le régime de Duvalier dès l’âge de
10 ans. Mes parents étaient dans l’opposition à ce régime, et c’est avec eux que j’ai appris ce qu’était vraiment une dictature. A ce moment-là, sous ce régime atroce, nous faisions un  militantisme clandestin, d’appartement. Après à la chute de Duvalier, quand nous avons pu retrouver une certaine liberté d’expression, nous avons pu faire connaître nos positions comme parti révolutionnaire, parti que nous sommes et que nous resterons. L’acte de  naissance du parti est 1996. Un groupe  d’étudiants et d’ouvriers haïtiens vivant en France a décidé de jeter les bases d’un grand parti, qui s’est appelé dans un premier temps Mouvement du renouveau d’Haïti, et, depuis juin 2006, le parti a une autre appellation, qui est Parti ouvrier socialiste haïtien (POS). Celui-ci est un parti ancré dans le mouvement ouvrier et paysan haïtien. Il se reconnaît dans toute  l’histoire du mouvement ouvrier et révolutionnaire de notre pays, mais aussi dans celui des pays d’Europe.
Quel est le programme du POS ? Nous revendiquons un changement fondamental pour le peuple haïtien en matière de démocratie, nous voulons un Etat au service exclusif du peuple. Nous luttons contre toute forme de domination intérieure comme  extérieure, contre toute occupation étrangère. Nous sommes donc pour le départ des forces de la Minustah (forces de l’ONU). Pour le rétablissement d’une véritable démocratie, nous nous prononçons pour la convocation d’une
Assemblée constituante, dont le peuple haïtien lui-même définira le contenu social et politique, qui établira les moyens d’une stabilité et de la lutte contre la pauvreté pour un réel développement du pays.
Nous sommes partisans de la lutte des classes, pour donner au peuple tous les moyens pour l’expropriation des grandes domaines privés existants.

Quelle est l’appréciation que tu portes sur les développements politiques en Amérique  latine, en Bolivie et au Venezuela  notamment, où des gouvernements et des peuples exigent que les richesses naturelles reviennent à leurs peuples et à eux seuls ?
Nous suivons ces événements avec beaucoup d’intérêt, parce que, en quelque sorte, ce sont aussi nos voisins. Nous apportons notre total appui à ces grands changements qui sont en train de s’opérer dans ces deux pays.

Quel est ton point de vue sur l’initiative en cours de préparation, celle d’une conférence caribéenne pour le retrait des troupes étrangères d’Haïti et pour la souveraineté de ce pays ?
Haïti doit retrouver sa souveraineté absolue de toute urgence. Comme parti, nous sommes entrain de mener une campagne nationale pour cela dans le pays. Haïti est un pays qui, comme tout autre, doit être libre, il doit retrouver sa souveraineté. Avec l’ Entente internationale, c’est par le regroupement de nos initiatives et de nos forces respectives que nous pourrons réellement changer la situation dans mon pays. La conférence que nous projetons dans la Caraïbe a cet objectif. Le POS attend de l’ Entente un appui solidaire et nous devons nous rassembler dans ce combat commun pour aider le peuple haïtien jusqu’à la victoire finale.