vendredi 25 février 2011

Qui est la Première Dame de Syrie : Asma El Assad ?

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Vous êtes née et avez grandi en Angleterre, où vous avez rencontré votre mari. Comment avez-vous vécu votre retour en Syrie pour devenir la première dame du pays ?

Asma El-Assad. Je suis syrienne et peu importe l’endroit où je suis née, je me suis toujours sentie syrienne. J’ai vécu à Londres pendant vingt-cinq ans. J’ai donc eu la chance d’être exposée aux deux cultures et en particulier à une quantité d’expériences que la culture britannique avait à m’offrir. Lorsque je suis rentrée, je n’ai jamais pensé que je partais vivre dans un endroit inconnu. Pour moi, c’était comme si je retournais à la maison. Je parlais la langue, je vivais dans la culture syrienne et j’étais consciente de l’héritage. La seule différence, c’est qu’en Angleterre j’étais célibataire, alors qu’en Syrie j’étais mariée. Etre désignée comme première dame est un privilège et un honneur. C’est aussi beaucoup de travail, surtout en Syrie où les gens veulent que vous vous impliquiez. Ils ne veulent pas qu’une première dame soit là uniquement pour les cérémonies. Ils exigent que vous soyez partie prenante dans le développement du pays et que vous accompagniez le changement qui est en train de se produire.

Vous avez été une femme d’affaires. Est-ce un avantage dans votre action aujourd’hui ?

Il y a des choses que vous pouvez planifier dans la vie. J’ai fait des études d’informatique à l’université. J’ai voulu travailler dans une banque d’investissement et faire un MBA. Mais je n’avais pas prévu d’épouser un chef d’Etat. La vie est pleine de surprises. Je l’ai épousé pour les valeurs qu’il incarne et parce que nous nous sentons très proches. Bien sûr, mon expérience professionnelle, tout ce que j’ai appris dans la finance me sert aujourd’hui : avoir un jugement critique, être capable de travailler avec une énorme pression. Je travaille dans le développement, dans l’éducation et la citoyenneté, et ma formation me sert.

On remarque que des premières dames comme Michelle Obama ou Carla Bruni jouent un rôle de plus en plus ­visible auprès de leur mari, spécialement pour améliorer leur image. Comment concevez-vous votre rôle ?

Je ne pense pas que mon mari ait un problème d’image. [Rires.] Il n’a besoin ni de moi ni de personne pour améliorer son image. Mais l’image peut être fausse et construite, ou elle peut être vraie. J’essaie de m’attacher à la vérité. Je pars de là pour envisager ce qui doit changer dans mon pays. En ce sens, je crois que mon mari et moi, nous nous complétons. Les premières dames sont longtemps restées dans l’ombre, et l’émergence des femmes en politique est récente. Tout dépend de quel endroit du monde il s’agit. En Extrême-Orient, il y a plus de trente ans que des femmes ont atteint des positions de présidents. Au Moyen-Orient, je suis loin d’être la seule.

Que représente votre visite en France ?

Nos pays ont une longue relation historique. Nous ne pouvons ni ne devons l’ignorer. A notre époque, les relations entre pays sont surtout politiques. Mais la politique a ses hauts et ses bas. Je crois que nous devons apprendre des leçons du passé et diversifier la nature de nos rapports. Nous devons renforcer nos échanges dans la ­culture, dans l’éducation et dans l’économie. Ainsi, quand en politique les échanges sont au plus bas, nous disposons d’autres manières de communiquer et de nous retrouver. Ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier. Nous voulons que notre relation se construise au fil du temps. En Syrie, depuis trois ans, nous plaçons la culture au cœur de notre développement national. Il y a deux ans, nous avons commencé un partenariat avec le Louvre. Nous ­voulons profiter de leur expertise dans l’interprétation du passé et l’analyse historique. Nous avons les meilleurs laboratoires et le meilleur équipement de recherche. Sur le plan culturel, nous avons besoin de vous autant que vous avez besoin de nous. Nous sommes deux pays développés, fiers de leur passé et tous deux laïques. Ce sont d’excellentes raisons pour construire un contact durable.

Sur la laïcité, la France connaît des problèmes d’inté­gration, spécialement de sa population musulmane. ­Comment les Syriens perçoivent-ils notre débat sur la ­nationalité ?

Si quelqu’un décide d’immigrer dans un pays, il faut qu’il prenne la décision de s’intégrer dans la société. C’est indispensable. Réciproquement, il faut que le pays choisi l’accueille. Il doit y régner un esprit d’ouverture. En Syrie, par exemple, nous avons une très importante communauté ­syrienne arménienne. Ils parlent leur langue, ont leurs écoles, etc. Ils sont venus chez nous, il y a un siècle, avec l’idée de s’intégrer dans la société. Ils voulaient faire partie de notre société. Depuis toujours, nous intégrons des populations très différentes. Nous puisons notre force dans cette diversité. Les chrétiens sont menacés dans de nombreux pays du monde musulman.

Récemment, un massacre a été perpétré au cours d’une messe à Bagdad. La Syrie semble épargnée.

Quand nous disons que la Syrie est laïque, nous voulons dire que nous tolérons toutes les religions. Les gens chez nous sont libres de pratiquer comme bon leur semble. Nous sommes laïques à cause de notre histoire, pas à cause d’une nécessité de vivre ensemble à une époque troublée. Quand le chef de l’Etat s’agenouille pour prier devant la Grande Mosquée des Omeyyades, il s’agenouille devant le tombeau de saint Jean-Baptiste, un saint chrétien. Chez moi, cela fait partie de mon identité, c’est comme mon bras droit et ma jambe gauche.

Avez-vous été surprise par ce que les Américains pensent de vous, à travers les télégrammes diplomatiques rendus publics par WikiLeaks ? Est-ce une menace pour les ­nations de voir leurs secrets révélés comme cela ?

La vraie question, c’est : qu’est-ce que cela dit sur l’Occident et sa vision de la liberté de parole ? C’est plus important que les détails sur ce que les uns pensent des autres. Ce qui est en cause, ce sont les valeurs de démocratie et de liberté de parole dont l’Occident s’enorgueillit et qu’il utilise pour juger les autres.

"Les femmes jouent un rôle majeur"

Est-ce bon ou pas bon pour les Etats ?

Ce n’est pas à moi de le dire. C’est l’Occident qui est concerné. Ce sont vos valeurs sur la démocratie qui sont en cause.

Au moment de la guerre en Irak en 2003, la Syrie était isolée.

Une partie de la droite américaine poussait pour qu’elle soit la prochaine sur la liste des pays dont il fallait changer le régime. Comment avez-vous vécu cette époque ?

Je crois que quiconque tente d’isoler quelqu’un ne fait que s’isoler lui-même. Notre préoccupation à l’époque n’était pas notre isolement, mais l’action humanitaire auprès des Irakiens qui fuyaient la guerre et venaient chez nous. Nous avons, en quelques mois, vu notre population augmenter de 10 %. Nous avons tout fait pour leur venir en aide, pour qu’ils aient l’accès à l’éducation, un toit pour ­vivre et une aide psychologique.

Sont-ils repartis en Irak depuis ?

Leur nombre a diminué, mais il est toujours autour de 900 000, ce qui reste considérable.

Les élections de Barack Obama et de Nicolas Sarkozy ont-elles changé la donne pour la Syrie ?

Je ne les connais pas personnellement, donc je ne pense pas être la meilleure personne pour commenter. Il faut demander à un homme politique.

Vous dites que la Syrie est un partenaire pour la paix dans la région. Jusqu’où êtes-vous prêts à aller pour obtenir la paix ?

Nous pensons en effet que la seule solution, c’est la paix. Mais pour danser le tango, il faut être deux. Et, ­aujourd’hui, nous n’avons pas ce partenaire pour la paix.

Comment voyez-vous le rôle des femmes en politique dans le Moyen-Orient ?

Elles jouent déjà un rôle majeur au Pakistan, aux ­Philippines et en Indonésie. En Europe et aux Etats-Unis, très peu de femmes ont atteint la magistrature suprême. En Syrie, le vice-président est une femme. Nous sommes les seuls dans le monde arabe à avoir une femme à une fonction aussi élevée. Notre Parlement est composé de 13 % de femmes. Aujourd’hui, il n’y a rien que les femmes ne peuvent faire.

source: Paris Match

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