Dans son ouvrage, Syrie : La révolution orpheline,
Ziad Majed revient sur les causes profondes de ce
soulèvement, parlant notamment de cette « recherche
du temps perdu » face à la volonté du pouvoir de
suspendre le temps présent pour en faire un
moment d'éternité. Les Libanais ne sont pas prêts
d'oublier cette affiche géante au barrage syrien de
Madfoun sur la route Beyrouth-Tripoli représentant
Hafez el-Assad entouré de ses deux fils, Bassel et Bachar,
avec la mention : « Avec toi pour l'éternité et après éternité »
(Ma'ak ila el-abad wa ma baad el-abad).
L'auteur évoque la nostalgie des révolutionnaires pour
les années 40 et 50 du siècle passé avant que ne s'abatte
la chape de plomb de la dictature, et leur volonté d'y revenir.
les années 40 et 50 du siècle passé avant que ne s'abatte
la chape de plomb de la dictature, et leur volonté d'y revenir.
Majed dresse un tableau du régime qui a gouverné la
Syrie depuis les années 70. Il montre comment le pouvoir,
issu de régions rurales, a « occupé » les villes, élargi le
secteur public tout en assurant au secteur privé les profits
propres à assurer son allégeance, mis la main sur les partis
politiques et les syndicats tout en assurant la mobilisation
de la communauté alaouite indispensable à son projet
hégémonique. Il relève la particularité qui caractérise ce régime
à savoir sa capacité à lier une personnalisation extrême du
pouvoir avec une institutionnalisation généralisée des instances
de répression. Il note que l'arrivée de Bachar el-Assad au
pouvoir ne va entraîner aucun changement dans la nature
du pouvoir. Après un éphémère « Printemps de Damas »,
vite réprimé, le régime met fin dans un bain de sang à une
révolte kurde, organise l'envoi de jihadistes combattre les
Américains en Irak, et tente de mettre fin aux velléités
indépendantistes qui commençaient à se manifester au
Liban en faisant assassiner l'ancien Premier ministre,
Rafic Hariri.
Syrie depuis les années 70. Il montre comment le pouvoir,
issu de régions rurales, a « occupé » les villes, élargi le
secteur public tout en assurant au secteur privé les profits
propres à assurer son allégeance, mis la main sur les partis
politiques et les syndicats tout en assurant la mobilisation
de la communauté alaouite indispensable à son projet
hégémonique. Il relève la particularité qui caractérise ce régime
à savoir sa capacité à lier une personnalisation extrême du
pouvoir avec une institutionnalisation généralisée des instances
de répression. Il note que l'arrivée de Bachar el-Assad au
pouvoir ne va entraîner aucun changement dans la nature
du pouvoir. Après un éphémère « Printemps de Damas »,
vite réprimé, le régime met fin dans un bain de sang à une
révolte kurde, organise l'envoi de jihadistes combattre les
Américains en Irak, et tente de mettre fin aux velléités
indépendantistes qui commençaient à se manifester au
Liban en faisant assassiner l'ancien Premier ministre,
Rafic Hariri.
L'ouvrage retrace avec beaucoup de détails l'évolution du
soulèvement syrien depuis les premières manifestations de
mars 2011 en montrant comment la répression de plus en
plus sanglante menée depuis août 2011 va entraîner dans
un premier temps la militarisation de la révolution et la
marginalisation progressive de la contestation civile qui
avait atteint son apogée avec 939 manifestations pour la
seule journée du 1er juin 2012, puis, dans un second temps,
l'émergence d'un radicalisme islamiste et la constitution
de groupes armés qui vont tenter de supplanter l'Armée syrienne
libre (ASL).
soulèvement syrien depuis les premières manifestations de
mars 2011 en montrant comment la répression de plus en
plus sanglante menée depuis août 2011 va entraîner dans
un premier temps la militarisation de la révolution et la
marginalisation progressive de la contestation civile qui
avait atteint son apogée avec 939 manifestations pour la
seule journée du 1er juin 2012, puis, dans un second temps,
l'émergence d'un radicalisme islamiste et la constitution
de groupes armés qui vont tenter de supplanter l'Armée syrienne
libre (ASL).
Ce changement dans la nature du mouvement révolutionnaire
va avoir pour effet une communautarisation du conflit que le
régime va mettre à profit, comme l'explique très bien l'auteur,
pour réaliser deux objectifs : impliquer les partis chiites proches
de l'Iran dans les batailles en cours et se présenter aux yeux
de la communauté internationale comme une victime
du terrorisme islamique. La réaction mitigée aux
bombardements à l'arme chimique du 21 août 2013
montre qu'il a en partie atteint son objectif.
va avoir pour effet une communautarisation du conflit que le
régime va mettre à profit, comme l'explique très bien l'auteur,
pour réaliser deux objectifs : impliquer les partis chiites proches
de l'Iran dans les batailles en cours et se présenter aux yeux
de la communauté internationale comme une victime
du terrorisme islamique. La réaction mitigée aux
bombardements à l'arme chimique du 21 août 2013
montre qu'il a en partie atteint son objectif.
Un chapitre particulièrement instructif est celui consacré
aux acteurs extérieurs, les alliés du régime et les « alliés »
(les guillemets sont de l'auteur) de la révolution.
Il comporte notamment une analyse du rôle très actif de l'Iran
tant au niveau de l'armement, de l'entrainement et du
financement des forces du régime qu'au niveau de la
participation aux combats directement et à travers ses
alliés au Liban et en Irak. Majed cite, dans ce contexte,
une déclaration particulièrement significative d'un proche
de Khamenei qui qualifie la Syrie de « 35e province de l'Iran »,
pour souligner le fait que l'avenir du régime iranien est
désormais lié à celui du régime syrien.
aux acteurs extérieurs, les alliés du régime et les « alliés »
(les guillemets sont de l'auteur) de la révolution.
Il comporte notamment une analyse du rôle très actif de l'Iran
tant au niveau de l'armement, de l'entrainement et du
financement des forces du régime qu'au niveau de la
participation aux combats directement et à travers ses
alliés au Liban et en Irak. Majed cite, dans ce contexte,
une déclaration particulièrement significative d'un proche
de Khamenei qui qualifie la Syrie de « 35e province de l'Iran »,
pour souligner le fait que l'avenir du régime iranien est
désormais lié à celui du régime syrien.
L'appui russe au régime syrien fait également l'objet d'une
analyse détaillée qui prend en considération non seulement
les motivations politiques – ce régime est le dernier allié de
la Russie au Moyen-Orient – mais aussi les motivations
religieuses liées à la position de l'Église orthodoxe de Russie.
analyse détaillée qui prend en considération non seulement
les motivations politiques – ce régime est le dernier allié de
la Russie au Moyen-Orient – mais aussi les motivations
religieuses liées à la position de l'Église orthodoxe de Russie.
Concernant les alliés de la révolution, il parle de l'appui
hésitant de la Turquie, de la rivalité entre l'Arabie Saoudite
et le Qatar, de l'absence de motivation occidentale,
puis s'emploie à démonter les arguments mis en avant
pour justifier le fait de ne rien faire pour arrêter le massacre
en cours.
hésitant de la Turquie, de la rivalité entre l'Arabie Saoudite
et le Qatar, de l'absence de motivation occidentale,
puis s'emploie à démonter les arguments mis en avant
pour justifier le fait de ne rien faire pour arrêter le massacre
en cours.
La lecture du livre de Ziad Majed donne à réfléchir :
130 000 morts (dont 11 000 enfants), 8 millions de personnes
déplacées, des villes détruites et une impuissance généralisée
à mettre un terme à ce crime contre l'humanité, le premier en
ce début de siècle. Et pour couronner le tout, un débat sordide
sur le choix à faire entre deux barbaries, la barbarie du régime
et celle des jihadistes, avec le danger, comme le note
l'intellectuel syrien, Farouk Mardam Bey, de se retrouver,
faute d'avoir agi, devant assumer le prix des deux barbaries
à la fois.
130 000 morts (dont 11 000 enfants), 8 millions de personnes
déplacées, des villes détruites et une impuissance généralisée
à mettre un terme à ce crime contre l'humanité, le premier en
ce début de siècle. Et pour couronner le tout, un débat sordide
sur le choix à faire entre deux barbaries, la barbarie du régime
et celle des jihadistes, avec le danger, comme le note
l'intellectuel syrien, Farouk Mardam Bey, de se retrouver,
faute d'avoir agi, devant assumer le prix des deux barbaries
à la fois.
Je pense que la lecture de cet ouvrage
est indispensable pour qui veut comprendre
les enjeux véritables de ce conflit qui a d'ores et
déjà largement débordé les frontières de la Syrie
et représente un défi de nature existentielle aussi
bien pour le Liban que pour l'Irak.
est indispensable pour qui veut comprendre
les enjeux véritables de ce conflit qui a d'ores et
déjà largement débordé les frontières de la Syrie
et représente un défi de nature existentielle aussi
bien pour le Liban que pour l'Irak.
Samir Frangié OLJ /9/2/2014
BIBLIOGRAPHIESyrie : La révolution orpheline
(Souriya : al-thawra al-yatima) de Ziad Majed,
L'Orient des Livres, 2013, 173pages
(Souriya : al-thawra al-yatima) de Ziad Majed,
L'Orient des Livres, 2013, 173pages